ee

LA REFORME EN SUISSE AU XVIe SIECLE

Dès 1519, à Zurich, le curé Ulrich Zwingli prêche la Réforme; humaniste, il enseigne que la religion ne doit être basée que sur la Bible. Il faut donc écarter tout ce qui ne s’y trouve pas : couvents, culte des reliques et des saints, célibat des prêtres, culte de la Vierge Marie, les indulgences. Il prêche aussi contre le service mercenaire. En 1525, le protestantisme devient la religion officielle de Zurich. Les idées nouvelles triomphent rapidement à Berne (1528), à Schaffhouse, à Bâle.
Mais les cantons centraux, Uri, Schwytz, Unterwald, Lucerne, Zoug avec Fribourg et Soleure refusent la Réforme. Les deux guerres de Kappel (1529 et 1531, mort de Zwingli) bloquent les progrès de la Réforme en Suisse allemande.


L’éducation religieuse du jeune Thomas Platter (1522)

 » A cette époque déjà, Myconius appartenait à la vraie religion ; il était néanmoins obligé de conduire ses discipuli à vêpres, à matines et à la messe dans l’église du Moustier Notre-Dame ; lui-même dirigeait le chant. Un jour il me dit : « Custos (car j’étais son custos), j’aimerais mieux donner quatre leçons que de chanter une messe ; fais-moi le plaisir de me remplacer quand on dit les messes votives, comme les Requiem et autres du même genre ; je t’en récompenserai. » Je fus très satisfait de cet arrangement : à Zurich, à Soleure et en d’autres lieux encore j’avais appris à chanter la messe. S’il y avait peu de gens capables d’expliquer un Évangile, grand était le nombre de ceux qui savaient brailler ; chaque jour de stupides bacchants, qui ne connaissaient pas le premier mot de la grammaire, recevaient les ordres parce qu’ils chantaient quelque peu (…).

Bien qu’il me semblât que le papisme était l’oeuvre de méchants, j’avais pourtant l’intention de devenir prêtre, je voulais être pieux, remplir mes fonctions avec fidélité et orner joliment mon autel. Mais lorsque maître Ulrich prêcha énergiquement là contre, les doutes m’assaillirent, toujours augmentant. Je priais beaucoup et jeûnais plus que je n’aurais voulu. J’avais aussi mes images de saints et mes patrons que j’invoquai beaucoup, chacun en particulier : Notre-Dame pour qu’elle intercédât pour moi auprès de son enfant, sainte Catherine pour qu’elle m’aidât à devenir savant ; sainte Barbe pour ne pas mourir sans les sacrements, saint Pierre pour qu’il m’ouvrît le ciel. Je notais dans un livret de combien de prières j’étais en retard ; les jeudis et samedis, jours de congé, je courais à l’église du Moustier Notre-Dame, je m’installais dans une stalle, et j’inscrivais mon arriéré sur une [autre] stalle et je m’y mettais et je payais mes dettes l’une après l’autre, effaçant au fur et à mesure ; puis je me retirais avec la conviction d’avoir on ne peut mieux agi. Depuis Zurich, je fis six fois [en procession] avec des croix le pèlerinage d’Einsiedeln ; je me confessais très fréquemment. Mais en Silésie j’avais, sans mauvais intention, mangé du fromage en Carême, suivant la coutume de notre pays. Quand j’avouai ce péché, le confesseur me refusa l’absolution, à moins que je ne fisse pénitence publique. Alors je pensai me donner au diable. Comme je pleurais amèrement parce que je ne pouvais aller au Saint-Sacrement avec mes camarades (car les bourgeois régalaient les écoliers qui avaient reçu l’eucharistie), lorsqu’un prêtre touché de compassion s’enquit de la cause de mon chagrin ; il me donna l’absolution et je courus dîner.

Dans de fréquentes discussions avec mes camarades je soutenais le papisme, et cela jusqu’au jour où j’entendis, à la fête patronale de l’église de Selnau, maître Ulrich prêcher sur le chapitre X de l’Évangile selon saint Jean : « Je suis le bon berger, etc. » Il parlait avec tant de force qu’il me semblait qu’on me tirait en l’air par les cheveux. Zwingli représenta les mauvais pasteurs comparaissant devant Dieu, les mains toutes souillées du sang des brebis qu’ils auraient conduites à perdition. « S’il en est ainsi, pensai-je, adieu la moinerie ! jamais je ne serai prêtre. » Je continuai néanmoins mes études, je commençais aussi à discuter contre mes compagnons et à aller assidûment au prêche. J’écoutais avec plaisir mon praeceptor Myconius, mais on avait encore messe et idoles à Zurich. « 

Thomas PLATTER, Ma vie [1572], éd. dans Cahier des Annales, 22 et à Lausanne, L’Age d’Homme, 1982 (traduction d’Edouard Fick). L’original a été rédigé en dialecte haut-valaisan.


La Réforme à Zurich : Zwingli

Paroles de Zwingli (1522).

 » Loin de rapporter vos victoires au Dieu des armées, ainsi que faisaient vos ancêtres, vous vous enorgueillissez de vos succès, et vous vous croyez invincibles. Dans les guerres où vous entraîne votre vanité, vos soldats [= mercenaires à l’étranger] se permettent des excès qui attireront un jour sur vous la colère divine (…).
Pour justifier les alliances que nous avons contractées successivement avec plusieurs souverains, on prétend que la stérilité de notre sol nous rend nécessaires les subsides [= pensions] de nos voisins. Il est vrai que les ressources de notre pays ne peuvent suffire au luxe qui s’est introduit dans nos montagnes; mais si, contents du sort que Dieu nous a accordé, nous voulions demeurer dans la simplicité de nos ancêtres, nous n’aurions besoin ni de subsides, ni de ces vaines apologies.
Vous parlerai-je des effets funestes que nos guerres produisent tous les jours parmi nous, de la violation continuelle de la justice, du mépris des lois, de l’insubordination portée à tel point qu’à peine trouve-t-on un citoyen qui respecte ses magistrats ? Vous parlerai-je de la corruption des moeurs que nos guerriers rapportent dans leurs foyers ?
(…) si le salut de la patrie vous est cher, repoussez les funestes dons de quelques princes ambitieux; repoussez-les tandis qu’il en est temps encore (…). Imitez vos alliés de Zurich qui, par des lois sages et sévères, ont arrêté les débordements de l’ambition. »

Cité dans Histoire de la Suisse, coll., éditions Fragnière, Fribourg, 1984, p. 80


Le gouvernement de Zurich promulgue un édit de réformation (1523).

« Considérant qu’il appartient à la parole de Dieu de nous régir, nous, mortels, et que notre devoir après l’avoir comprise, est de l’appliquer à notre vie, nonobstant [= malgré] d’antiques préjugés; nous, le bourgmestre, le Petit et le Grand Conseil zurichois, nous nous sommes chargés d’une réforme nécessaire. Et d’abord, quant à la messe, qui est célébrée autrement qu’elle n’a été instituée par Notre Seigneur et Sauveur, nous ordonnons (…) que les abus qui en altèrent la célébration soient abolis. Pour n’avoir pas à spécifier ici ces abus, nous établissons qu’en tout lieu et chaque jour il sera fait de bon matin un prêche, la parole vivante de Dieu étant la nourriture la meilleure pour l’âme humaine. Quand viendront les jours de fête, le sacrement [de la communion] sera distribué à qui le demandera et administré, selon les formes scriptuaires [= de l’Ecriture], intelligiblement, en notre langue. De plus, Dieu ayant interdit de se faire des images, nous avons décidé ne les pas [de ne pas les] laisser subsister. Mais voulant que tout se fasse avec sagesse, nous nommerons les personnes chargées de les enlever avec décence. En agissant de la sorte, nous sommes persuadés de faire une oeuvre agréable à Dieu; car ce qui servait à l’entretien des images servira désormais à celui des pauvres, qui sont avec plus de vérité l’image aussi bien que la créature de Dieu. Au reste, notre volonté n’est pas d’user de contrainte en matière de foi. Nous décidons seulement que les ministres [= pasteurs] de la parole de Dieu ne doivent pas enseigner d’une manière contraire à cette parole; c’est à quoi il nous appartient de veiller. « 

 


Réaction catholique

Suite à l’adoption de la Réforme par Zurich en 1525, les cantons restés catholiques signent un accord appelé le « Concordat de religion » qui contient 47 articles.

 » Puisque malheureusement par les doctrines et les écrits des prédicants luthériens et zwingliens dans la Confédération il est arrivé que l’ancienne et vraie foi chrétienne est exposée au mépris et railleries en plusieurs articles (…) attendu (…) que dans ces périls et difficultés le pasteur suprême [le pape] et les autorités ecclésiastiques se taisent et dorment, les Confédérés ont jugé utile et nécessaire de s’y opposer (…) Et pour cela, ils ont dressé les articles suivants :
(…)
Article 2 : S’abstiendra chacun de parler, d’écrire ou de disputer (…) contre les sept sacrements institués par le Christ et par la Sainte Eglise selon la parole du Christ (…).
(…)
Article 9 : Personne ne s’avisera non plus d’outrager, d’ôter, de briser ou de déshonorer les représentation et figures de Notre-Seigneur, de Notre-Dame, du crucifix et des saints qui sont dans les églises (…).
(…)
Article 22 : Comme nous et les nôtres avons été grevés de toutes sortes d’indulgences romaines et avons par là perdu beaucoup d’argent, nous interdisons à l’avenir en nos pays toute indulgence à prix d’argent.
(…)
Article 28 : L’imprimerie et les écrits luthériens et zwingliens ayant provoqué beaucoup d’inquiétude et d’incrédulité dans le peuple, personne dans nos villes et territoires n’imprimera ni ne vendra de tels écrits (…). »

Cité dans Genève 1536, L’Indépendance et la Réforme, publié par le département de l’instruction publique, Genève, 1986, p. 24


La dispute de Berne

Lettre datée du 29 janvier 1528 de Jacques de Münster, prêtre à Soleure, à un ami, Sigismond de Saint-Troud, relatant la dispute qui s’est déroulée à Berne du 6 au 26 janvier 1528.

« Après quelques jours arriva l’augustin [= moine] Treyer; en lui, on n’a trouvé que peu d’érudition et d’éloquence, et lorsqu’il s’agissait de prouver les dogmes par l’Ecriture, il aima mieux s’en aller. Un dominicain [= moine] se fit aussi entendre pendant quelques jours, mais avec peu de bonheur. Il y eut encore quelques prêtres qui se mêlèrent de disputer et un maître d’école, nommé Buchstab, qui avait plus de zèle que tout autre pour la défense de l’Eglise et des Saints-Pères [= papes], mais il n’était pas assez fort (…). Ecoutez cependant quelle fut la constance des prélats (…) bernois. Quant même tous, sauf quelques exceptions, reconnaissaient l’impiété des thèses de la dispute, ils y souscrivirent néanmoins tous, parce que ces ignorants ne savaient pas réfuter les hérétiques. Avec un peu de courage et d’habileté, ils auraient pu traîner la conférence au-delà d’une année. Des prêtres et des religieux du pays ont suivi cet exemple insensé, etc. Que vous dirai-je des hérétiques ? Leur combat était facile, grâce à la faiblesse de leurs adversaires. Je n’ai pas remarqué qu’ils aient été bien préparés: des hommes versés dans l’Ecriture les auraient bien embarrassés. Ah ! que ne leur a-t-on pu opposer Erasme ! Je les voyais souvent peu d’accord pour les réponses, se consulter, se parler avec anxiété et rester incertains sur le véritable sens de quelques passages (…). Zwingli était toujours plein de feu; cet animal est cependant plus instruit que je ne le pensais; Oecolampade connaît mieux les prophètes et l’hébreu, mais il lui est inférieur dans la manière de s’expliquer. Capitan parlait peu, Bucer serait plus à craindre s’il savait les langues comme Zwingli et Oecolampade.

(Cité dans Martin Schmitt, Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, Fribourg, 1859. T. II, pp. 296-297)


Cartes de la Confédération suisse en 1530
Répartition des Catholiques et des Réformés

La carte de base (couleurs et légendes) a été numérisée à partir de l’ouvrage de Henri Grandjean et Henri Jeanrenaud, « Histoire de la Suisse« , vol II, librairie Payot, Lausanne, 1969 (7e édition), p. 84.

Ces cartes au format Jpeg sont de grande taille (660 x 615 pixels, résolution de 150 x 150 dpi ). Le mieux est de les copier sur votre disque dur et de les retravailler dans votre logiciel de dessin favori.

Si vous voulez les imprimer directement, ouvrez l’image dans un nouvel onglet en cliquant dessus (clic droit) et utilisez les possibilités du menu contextuel.

Voyez ces cartes :

Religions dans la Confédération suisse en 1530 (en couleurs avec légendes) :

Religions dans la Confédération suisse en 1530 (en niveaux de gris avec légendes) :

Religions dans la Confédération suisse en 1530 (en noir/blanc sans légendes) :

—-

Cartes de la Confédération suisse en 1536

La carte de base (couleurs et légendes) a été numérisée à partir de l’ouvrage de Henri Grandjean et Henri Jeanrenaud, « Histoire de la Suisse« , vol II, librairie Payot, Lausanne, 1969 (7e édition), p. 98.

Ces cartes au format Jpeg sont de grande taille (800 x 624 pixels, résolution de 150 x 150 dpi). Le mieux est de les copier sur votre disque dur et de les retravailler dans votre logiciel de dessin favori.

Si vous voulez les imprimer directement, ouvrez l’image dans un nouvel onglet en cliquant dessus (clic droit) et utilisez les possibilités du menu contextuel.

Voyez ces cartes :

La Confédération suisse en 1536 (en couleurs avec légendes) :

La Confédération suisse en 1536 (en niveaux de gris avec légendes) :

La Confédération suisse en 1536 (en couleurs sans légendes) :

La Confédération suisse en 1536 (en noir/blanc sans légendes) :

—-

Cartes de la Confédération suisse au XVIIe siècle
Répartition des Catholiques et des Réformés vers 1650

La carte de base (couleurs et légendes) a été numérisée à partir de l’ouvrage de Henri Grandjean et Henri Jeanrenaud, « Histoire de la Suisse« , vol II, librairie Payot, Lausanne, 1969 (7e édition), p. 103.

Ces cartes au format Jpeg sont de grande taille (765 x 625 pixels, résolution de 150 x 150 dpi ). Le mieux est de les copier sur votre disque dur et de les retravailler dans votre logiciel de dessin favori.

Si vous voulez les imprimer directement, ouvrez l’image dans un nouvel onglet en cliquant dessus (clic droit) et utilisez les possibilités du menu contextuel.

Voyez ces cartes :

Religions dans la Confédération suisse vers 1650 (en couleurs avec légendes) :

Religions dans la Confédération suisse vers 1650 (en niveaux de gris avec légendes) :

Religions dans la Confédération suisse vers 1650 (en noir/blanc sans légendes) (640 x 495 pixels) :

Y La Réforme à Genève au XVIème siècle