Les élections américaines viennent de se terminer et de donner une large victoire à Donald Trump et aux républicains. C’est assurément un temps fort de l’année 2024 qui sera commenté en classe, quel que soit le niveau. Les Clionautes publient à cette occasion plusieurs textes, libres de droit, facilement exploitables en classe et rédigés par des spécialistes reconnus. Nous remercions vivement André Kaspi d’avoir accepté d’écrire, pour nos élèves, un texte accessible sur ce grand moment démocratique américain. 

André Kaspi

André Kaspi est né en 1937 à Béziers. Il est professeur émérite à l’université  Paris 4 Panthéon-Sorbonne et spécialiste majeur de l’histoire de l’Amérique du Nord. De 1988 à 2006, il a été directeur du Centre de recherches d’histoire nord-américaine (CRHNA). André Kaspi est l’auteur de quantité d’ouvrages sur les Etats-Unis et son nom revient en tête des bibliographies pour l’époque contemporaine. Signalons ces quelques titres :


Le texte : le fonctionnement des élections américaines

Un nouveau président des États-Unis vient d’être élu. Il entrera en fonctions le 20 janvier 2025. C’est un événement très important, que je vais tenter d’expliquer. Tous les quatre ans, des élections présidentielles désignent le nouveau chef de l’exécutif ou renouvellent le mandat de celui qui est en place. Depuis le milieu du XIXème siècle, le scrutin est prévu le premier mardi du mois de novembre. C’est qu’à cette date de l’année, les récoltes étaient engrangées ; avec la proximité des froids hivernaux, les travaux des champs étaient impossibles. Il n’était pas question de voter un dimanche, car c’est le jour du Seigneur. Le mardi, en revanche, permettait à tous les électeurs de gagner les bureaux de vote. Le calendrier électoral n’a pas changé depuis près de deux siècles, bien que les États-Unis d’aujourd’hui soient très différents de ceux d’hier. Un seul changement significatif, toutefois : à la suite de l’épidémie du covid, plusieurs États de l’Union donnent à leurs citoyens la possibilité de voter par correspondance ou par mail – jusqu’à un mois avant le premier mardi de novembre. En même temps que les électeurs désignent leur président et le vice-président, ils élisent un tiers des 100 sénateurs fédéraux, les 435 membres de la Chambre des représentants et les titulaires de fonctions locales, comme les sheriffs et bon nombre de juges.

L’élection du président et du vice-président (ils forment une équipe d’inséparables) repose sur plusieurs étapes. Elle est décidée par le vote des grands électeurs (en anglais electors). Ils sont, au total, 538 – la majorité l’emporte : la moitié plus un, soit 270. Chaque État élit ses electors, dont le nombre varie avec la population de l’État. La Californie, l’État le plus peuplé de l’Union, désigne 54 electors ; l’Alaska, 3 seulement ; la Pennsylvanie, 19, etc. Il faut donc que les candidats à la présidence fassent campagne d’un État à l’autre, en tenant compte des tendances de chaque État avec l’objectif de rassembler au moins 270 electors. Si l’on garde en mémoire que la superficie des États-Unis correspond à dix-huit fois la superficie de la France, on comprend qu’une campagne électorale pour la présidence nécessite d’incessants déplacements, beaucoup d’argent et une excellente santé. D’autant plus que les candidats doivent faire connaître leur programme, tenir des meetings dans chacun des États, venir et revenir dans les grandes et petites villes, prononcer d’innombrables discours, inciter les électeurs (les voters) à voter. L’année qui précède le scrutin est éprouvante pour ceux qui ont l’ambition d’occuper la Maison Blanche, le palais présidentiel à Washington.
Deux partis se disputent le pouvoir. L’un et l’autre ont été fondés au XIXème siècle ; l’un et l’autre ont réussi à gagner les élections présidentielles et législatives. Les démocrates ont porté au pouvoir Woodrow Wilson (pendant le Grande Guerre), Franklin Roosevelt qui fut le président du New Deal et de la Seconde Guerre mondiale, Harry Truman, John Kennedy, plus récemment, Barack Obama et Joe Biden. Parmi les présidents républicains, il faut citer Abraham Lincoln (au temps de la guerre de Sécession), Dwight Eisenhower, George H.W. Bush, puis son fils George W. Bush – aujourd’hui Donald Trump. Quant au vice-président, il succède au président qui aurait démissionné (exemple : Richard Nixon en 1974, auquel a succédé Gerald Ford) ou qui aurait été assassiné (ce qui est arrivé quatre fois dans l’histoire des Etats-Unis – par exemple en 1963, après l’assassinat de John Kennedy, le vice-président Lyndon Johnson est devenu le président). Depuis 1951 et l’adoption du 22ème amendement à la constitution, aucun président ne peut exercer plus de deux mandats. En conséquence, Donald Trump qui a été élu en 2016 et réélu en 2024 ne pourra pas ambitionner un troisième mandat … à moins qu’un nouvel amendement ne modifie l’amendement de 1951. Le président prend ses fonctions le 20 janvier qui suit son élection. Au cours des deux mois qui précèdent son entrée en fonction, il met au point son gouvernement et prépare avec son équipe les principales mesures qu’il entend faire adopter par les deux chambres du Congrès. Il propose les noms de celles et de ceux qui exerceront à ses côtés, en son nom, le pouvoir exécutif. Le secrétaire d’État sera chargé des relations internationales. Il est chargé des liens entre les États-Unis et le reste du monde. Le secrétaire à la Défense, le secrétaire au Trésor, etc. occupent des fonctions essentielles. Les uns et les autres seront définitivement nommés, après avoir été acceptés par le Sénat. De plus, le président doit nommer près de 4 000 fonctionnaires fédéraux, et 800 d’entre eux doivent recevoir l’approbation du pouvoir législatif. En un mot, c’est une vaste administration que dirige le président, sans avoir à ses côtés un Premier ministre (une fonction qui n’existe pas aux États-Unis). On comprend, dans ces conditions, que l’accès à la Maison Blanche soit âprement disputé. On comprend aussi que, partout dans le monde, les élections présidentielles aux Etats-Unis fassent l’objet d’une attention particulière. Que nous le voulions ou non, nous sommes tous, indirectement, concernés par le vote des Américains.

André Kaspi, novembre 2024