Commode (en latin : Imperator Caesar Lucius Aelius Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus), fils de Marc Aurèle, est né à Lanuvium le  et mort assassiné à Rome le 

 empereur romain en 180, après la mort de son père et après avoir régné conjointement avec ce dernier durant 3 ans. Rapidement, il se forge une réputation de despote et adopte une attitude controversée. Si d’un côté sa politique est en rupture avec celle de ses prédécesseurs (il met fin aux persécutions des chrétiens, se montre généreux envers l’armée), de l’autre il fait polémique en s’affichant par exemple avec des gladiateurs et en combattant dans l’arène. Parmi les auteurs grecs et latins qui se sont penchés sur son règne, Hérodien [175-250 ap. J.C.] figure aux côtés de Dion Cassius une source incontournable. Contemporain des évènements, il est plus nuancé quant au personnage de Commode décrit par les auteurs latins comme un tyran ayant mérité la Damnatio memoriae. Nous vous proposons ces deux extraits consacrés pour l’un au goût de Commode pour les combats de gladiateurs, et l’autre à sa mort violente.  

Le , alors que Commode a subi une tentative d’empoisonnement, son esclave Narcisse l’étrangle dans son bain. Cette mort est le produit d’un complot mené par sa concubine Marcia, le préfet du prétoire Laetus et Eclectus son chambellan, les trois étant alors menacés de disgrâce et de mort violente de la part de Commode.


 

Extrait n°1 : Commode un empereur parmi les gladiateurs

[…] Jusqu’alors, quoique cette conduite de l’empereur fût contraire à la dignité d’un prince, elle ne laissait point de plaire au peuple, parce qu’elle prouvait de la force et de l’adresse. Mais lorsque Commode vint à se montrer nu dans l’amphithéâtre et à combattre, armé de l’épée, des gladiateurs, ce fut pour le peuple un triste et douloureux spectacle, de voir un empereur romain, d’une si auguste origine, et dont le père et les ancêtres avaient obtenu tant de triomphes, au lieu de combattre les Barbares, au lieu de prendre des armes vraiment dignes d’un souverain de Rome, déshonorer la majesté de l’empire par le honteux appareil d’un gladiateur. Dans ces luttes infâmes, Commode n’avait point de peine à être vainqueur. Aussi se contentait-il de blesser ses adversaires, qui n’avaient garde de lui disputer la victoire, et qui dans leur antagoniste reconnaissaient toujours l’empereur. Son extravagance franchit bientôt toutes les limites : il voulut quitter sa demeure impériale, pour habiter le gymnase des gladiateurs. Il renonça au nom d’Hercule et se fit donner celui d’un gladiateur célèbre qui venait de mourir. Il fit ôter la tête de la statue colossale du Soleil, si révérée des Romains, la remplaça par la sienne, et fit inscrire sur le piédestal, non pas la liste des vertus qu’il eût pu tenir de son père, ou qu’on devait exiger de son rang, non pas le titre de vainqueur des Germains, mais ces mots : Commode, vainqueur de mille gladiateurs.

Il était temps que ces extravagances eussent un terme, et que l’État fût délivré de ce tyran. […]

Extrait n° 2 : empoisonnement et mort de Commode

[…] On s’arrête au poison, et l’exécution fut confiée à Marcia, sur sa demande. Elle versait et présentait habituellement à Commode la première coupe, pour que le vin lui parût plus doux, offert par la main de celle qu’il aimait. À son retour du bain, elle lui offrit un vase de vin exquis, qu’elle avait empoisonné. Le prince, que le bain et la chasse avaient altéré, but avec confiance, selon son habitude. Il sentit aussitôt une grande pesanteur de tête, et un assoupissement qu’il attribua à la fatigue; il alla se reposer sur son lit. Aussitôt Electus et Marcia font retirer tout le monde : « Le prince, disaient-ils, avait besoin de repos. » Ce n’était pas la première fois qu’il lui arrivait, après ses orgies, de dormir ainsi le jour. Comme il se baignait souvent, et qu’il mangeait à toute heure, il n’avait point de temps réglé pour le sommeil. Une succession de plaisirs toujours nouveaux et dont il était devenu l’esclave, se partageait tous ses instants, presque malgré lui-même. Quand il eut dormi, et que le poison commença à agir dans son estomac et dans ses entrailles, il s’éveilla avec de grands étourdissements, suivis bientôt d’un vomissement terrible : ou les mets et le vin dont il s’était surchargé, repoussaient le poison, ou, selon la coutume des princes, avant de se mettre à table, Commode avait pris un préservatif.

Les conjurés, épouvantés de ce long vomissement, craignant que l’empereur ne rejetât tout le poison et ne les fît périr, quand il aurait recouvré ses esprits, engagèrent, par la promesse d’une forte récompense, un jeune homme nommé Narcisse, dont l’audace leur était connue, à égorger Commode sur son lit. Il pénètre dans l’appartement du prince, le trouve affaibli par le vomissement et la débauche, le saisit au cou et l’étrangle. Ainsi finit Commode, qui après Marc-Aurèle, son père, gouverna treize ans l’empire. Il fut supérieur par la naissance à tous ses prédécesseurs, et par la beauté à tous les hommes de son temps. On peut vanter aussi son courage, ou plutôt son adresse sans égale à lancer la flèche et le javelot. Mais nous avons montré par quels vices honteux il profana les dons qu’il avait reçus de la nature. […]

Hérodien Histoire romaine depuis la mort de l’Empereur Marc Aurèle jusqu’à l’avènement de Gordien III, traduit du grec par Léon Halévy, livre I- Paris, librairie Firmin Didot Frères Fils et Cie, 1860, extraits

 

Mise en ligne et texte de présentation : Cécile Dunouhaud

Choix du texte : Ludovic Chevassus