Au XIXe siècle, l’avortement est inscrit  comme crime à l’article 317 du code pénal de 1810. Sont passibles d’emprisonnement tant les femmes qui se font avorter que les personnes qui ont pratiqué l’avortement. Malgré les risques encourus, les avortements clandestins ne cessent pourtant d’augmenter pour devenir une pratique relativement courante à la fin du  XIXe siècle. 

Le document, publié le 21 décembre 1890, est un article d’un journal local hebdomadaire  « Le réveil du Tarn »  qui se définit lui -même comme le  « journal républicain de Mazamet ». L’article  relate, de manière factuelle,  le procès de « la fille Marie Maillé » et de la veuve qui a pratiqué l’avortement. Le procès a eu lieu aux Assises de Rodez, ce qui signifie que le jugement a été rendu par un jury populaire.

On remarquera la mansuétude des jurés pour la jeune fille qui a avorté puisqu’elle est acquittée, mais se montre beaucoup plus sévère pour la « faiseuse d’anges » qui est une récidiviste. On notera également  la connivence de la mère avec sa fille.

Doit-on interpréter la clémence de la justice populaire pour une jeune femme vivant dans un petit village rural de l’Aveyron comme le signe d’une relative banalisation d’une pratique pourtant durement punie par la loi ?

 


Cour d’assises de l’Aveyron
Audience du 8 décembre. — AVORTEMENT. —

La fille Marie Maillé, de Murasson [Aveyron], qui était enceinte et voulait se débarrasser du fruit de sa grossesse, se rendit à Murât (Tarn) chez la nommée Françoise Gastan, veuve Julien, qui promit de lui procurer ce résultat moyennant 100 fr.
En effet, après deux visites chez la femme Gastan, qui se livra sur elle à des manœuvres abortives et à laquelle elle remit 100 fr., la fille Maillé accoucha d’un fœtus de trois mois que sa mère enfouit dans le jardin.

Cette fille renouvelle aux débats les aveux complets qu’elle a faits dans l’instruction et a l’air très repentant ; le jury lui en tient compte en rapportant à son égard un verdict négatif.
Mais il se montre sévère pour la femme Castan qui a essayé de nier le rôle actif qu’elle a joué dans l’avortement et qui a des antécédents détestables. Aux cinq condamnations qu’elle avait déjà encourues, la cour d’assises ajoute dix ans de réclusion.

LE REVEIL DU TARN, 21 décembre 1890, page 3