Pline l’Ancien (Caius Plinius) est né en 23 ap. JC. en Gaule Transpadane à Novum Comum (actuelle ville de Côme). Alors qu’il se trouve à Misène, en tant que Préfet commandant la flotte militaire romaine, il assiste à l’éruption du Vésuve. C’est en cherchant à prêter secours à des amis que Pline décède en 79, à Stabia, situé à proximité de Pompéi.
Stoïcien, Pline l’Ancien est aussi et surtout l’un des écrivains romains les plus importants du 1er siècle. Il est l’auteur d’une monumentale encyclopédie en 37 volumes intitulée Histoire naturelle, publiée vers 77 et pour laquelle il aurait consulté les oeuvres de plus de 500 auteurs différents. Compilation du savoir de son époque avec lequel il garde une distance critique, Histoire naturelle a été durant longtemps la référence en matière de connaissances scientifiques et techniques, mais livre aussi des éléments de connaissances sur les us et coutumes en cours, ainsi que sur la nature et son exploitation.
À la fin du Livre XVI, Pline l’Ancien revient notamment sur la cueillette du gui par les druides gaulois, armés d’une serpe d’or. Cette image, très réductrice, traverse les siècles pour devenir, à partir du XVIIIème siècle, l’incarnation du prêtre gaulois par excellence et nourrir l’imaginaire politique et culturelle de la France contemporaine. Pourtant, Pline l’Ancien n’est ni le premier ni le dernier à mentionner les Druides dans ses écrits.
Il y a trois espèces de gui. Le gui qui vient sur le sapin et le mélèze se nomme stelis (loranthus europœus, L.) en Eubée. L’hyphéar (viscum album,h.) est une espèce de gui qui vient en Arcadie. Quant au gui proprement dit, d’après la plupart des auteurs, il croit sur le chêne, le rouvre, le prunier sauvage, le térébinthinier à l’exclusion de tous les autres arbres. Le gui est très-abondant sur le chêne ; et on l’y nomme dryos hyphéar (gui de chêne). Sur tous les arbres, excepté sur l’yeuse et le chêne, on distingue le gui proprement dit des deux autres espèces par la mauvaise odeur du fruit et par l’odeur des feuilles, qui n’est pas non plus agréable; le fruit et la feuille dans le gui sont amers et gluants. […]
I1 ne faut pas oublier à propos du gui l’admiration que les Gaulois ont pour cette plante. Aux yeux des druides ( c’est ainsi qu’ils appellent leurs mages ), rien n’est plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, si toutefois c’est un rouvre. Le rouvre est déjà par lui-même l’arbre dont ils font les bois sacrés ; ils n’accomplissent aucune cérémonie religieuse sans le feuillage de cet arbre, à tel point qu’on peut supposer au nom de druide une étymologie grecque (δρῦς, chêne). Tout gui venant sur le rouvre est regardé comme envoyé du ciel : ils pensent que c’est un signe de l’élection que le dieu même a faite de l’arbre. Le gui sur le rouvre est extrêmement rare, et quand on en trouve, on le cueille avec un très grand appareil religieux. Avant tout, il faut que ce soit le sixième jour de la lune, jour qui est le commencement de leurs mois, de leurs années et de leurs siècles, qui durent trente ans ; jour auquel l’astre, sans être au milieu de son cours, est déjà dans toute sa force. Ils l’appellent d’un nom qui signifie remède universel. Ayant préparé selon les rites, sous l’arbre, des sacrifices et un repas, ils font approcher deux taureaux de couleur blanche, dont les cornes sont attachées alors pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte sur l’arbre, et coupe le gui avec une serpe d’or ; on le reçoit sur une saie blanche ; puis on immole les victimes, en priant que le dieu rende le don qu’il a fait propice à ceux auquels il l’accorde. On croit que le gui pris en boisson donne la fécondité à tout animal stérile, et qu’il est un remède contre tous les poisons. Tant, d’ordinaire les peuples révèrent religieusement des objets frivoles
Pline l’Ancien Histoire naturelle, traduction d’Émile Littré, Paris, 1877, tome 1, extraits pages 605-606
Pour aller plus loin :
- Giusto Traina « Histoire naturelle de Pline l’Ancien« , Revue l’Histoire, n°437, janvier 2017, disponible en ligne ICI
- Jean-Louis Brunaux Les druides, des philosophes chez les Barbares, Paris, Seuil, 2006, 386 pages
- Carbone 14, le magazine de l’archéologie, France Culture, du 24 décembre 2016 à écouter ICI