De la transformation du chanvre (Cannabis sativa) pour la fabrication des textiles et cordages
Le chanvre tient, à côté du lin, une place de premier ordre parmi les plantes textiles; il est la base des toiles et des cordages les plus solides:
De la manipulation: le chanvre arraché est proprement étendu à terre. Le jour même, ou le lendemain, on le lie en petites bottes de 25 à 30 centimètres de circonférence, qu’on dresse les unes contre les autres, soit en faisceaux, soit par deux files parallèles formant toiture et appuyées contre une perche horizontalement fixée par des piquets à une certaine hauteur au-dessus du sol. Au bout de 4 ou 5 jours, lorsque la dessication est complète, on extrait la semence en frappant le chanvre à coups de maillet, ou en le prenant par poignées, et en le battant sur une claie; ou bien, enfin, en faisant passer successivement les poignées à travers les dents d’un peigne fixé verticalement à une table.
Par l’opération appelée « rouissage », on fait ensuite dissoudre la gomme qui colle les fibres de l’écorce aux parties intérieures des tiges. A cet effet, on tient le chanvre pendant quelque temps dans une eau claire, douce, exposée au soleil, courant s’il se peut.
Les eaux stagnantes le bruniraient, et il est sali par les eaux vaseuses, minérales, chargées de sable ou de matières en putréfaction.
Si l’on n’a qu’une fosse étroite, on la nettoie parfaitement et, après y avoir placé les bottes de chanvre, on les charge de pierres ou de gazon afin qu’elles baignent exactement.
A partir du quatrième jour, on visite souvent les paquets et on les retire dès que les feuilles tombent et que les fibres de l’écorce se détachent elles-mêmes facilement depuis l’extrémité jusqu’au sommet des tiges.
Dans les temps froids, le rouissage peut durer jusqu’à douze jours.
Le chanvre, sorti de l’eau, est mis en faisceaux pour qu’il se ressuie, puis il est « curé » ou « éoré », c’est-à-dire délié et étendu sur un pré afin que la rosée fasse blanchir les fibres.
Dans la crainte d’altération, on le retourne tous les trois, quatre, cinq, six, sept ou huit jours. Plus les pluies sont fréquentes, la température élevée et le terrain rempli de vers, plus il est nécessaire de renouveler souvent cette opération.
On y procède par un temps calme et, au besoin, on met, sur le chanvre, de petites perches, afin que le vent ne le disperse pas.
Le curage dure ordinairement de 15 à 20 jours.
Si lon manque d’eaux favorables au rouissage, on se contente souvent de curer le chanvre sans le faire rouir. D’un autre côté, le curage du chanvre roui n’est pas indispensable. Sans doute, il facilite les manipulations ultérieures et il rend la fibre plus fine, mais aussi il diminue d’environ un quart le volume et le poids de la filasse.
L’extraction et la préparation de la filasse comprennent trois manipulations: « broyage », « écangage » ou « teillage » et « affinage ».
Par la première, on triture les tiges, afin que tout ce qui n’est pas fibre soit réduit en petits morceaux; par la seconde, on secoue vivement la matière broyée pour faire tomber les parcelles inutiles; par la troisième, on peigne les fibres afin de les démêler et de leur donner de la finesse.
On peut broyer le chanvre par terre, en le frappant avec une lame canelée et fixée à un long manche recourbée; sur un billot, à coups de maillet; en les faisant passer entre deux ou plusieurs cylindres de bois canelé qui s’égrènent ensemble et qu’on fait tourner dans le sens horizontal; par l’instrument appelé « macque » ou « broie », véritable mâchoire de bois qui se trouve fixée à un chevalet et qu’on fait mouvoir d’une main, tandis que de l’autre on lui présente les poignées.
Afin de rendre le chanvre plus facile à broyer, on le met souvent au four ou sur une claie sous laquelle se trouve du feu. Dans ce cas, il faut beaucoup de précautions pour éviter tout accident.
Pour « écanguer » le chanvre broyé, d’une main on fait pendre les poignées d’une planche verticale, de l’autre on les frappe avec un large couteau de bois, ou bien on fait tourner rapidement une roue à laquelle sont fixés plusieurs couteaux, ce qui accelère singulièrement l’opération.
« L’affinage » ou « peignage » se fait au moyen de peignes de divers calibres. On commence l’opération avec celui dont les dents sont les plus écartées, et successivement on emploie les autres jusqu’au plus fin. On démêle ainsi diverses qualités et longueurs de fibres. Les peignes se trouvent ordinairement fixés à un seul et même appareil.
Sources: « Grande Encyclopédie Illustrée d’Economie Domestique », sous la direction de Jules TROUSSET, Paris, Anthème Fayard, sans date mais fin du XIXe siècle, tome I, col. 1001 à 1006.