Le Lundi 1er octobre 1792, le député Brissot fait lecture de la déclaration du généralissime des armées austro-prussiennes. Il s’agit Charles Guillaume Ferdinand, duc de Brunswick (né à Wolfenbüttel en 1735 – mort à Ottensen en 1806). Il est le signataire du fameux manifeste du 25 juillet 1792 qui menaçait de livrer Paris à « une exécution militaire et une subversion totale », ce qui attacha à son nom une si triste renommée (bien qu’il n’en fut pas l’auteur). Dans cette nouvelle déclaration, le duc demande, ni plus ni moins, le rétablissement de la royauté française, et donc celui de Louis XVI sur le trône de France.
(…)
(Déclaration du duc de Brunswick)
« Lorsque Leurs Majestés l’empereur et le roi de Prusse, en me confiant le commandement des armées que ces deux souverains alliés ont fait marcher en France, me rendirent l’organe de leurs intentions déposées dans les deux déclarations des 25 et 27 juillet 1792, Leurs Majestés étaient bien éloignées de supposer la possibilité des scènes d’horreurs qui ont précédé et amené l’emprisonnement de Leurs Majestés le roi et la reine de France et la famille royale… ».
(Il s’élève quelques rumeurs)
Brissot : « J’observe que pour toute réponse à ce manifeste, le général Dumouriez l’a fait imprimer et distribuer à son armée, et en a éprouvé le bon effet d’augmenter le courage et l’indignation des soldats. Je continue donc la lecture ».
« … De pareils attentats, dont l’histoire des nations les moins civilisées n’offre presque point d’exemple, n’était cependant pas le dernier terme que l’audace de quelques factieux, parvenus à rendre le peuple de Paris l’instrument aveugle de leurs volontés, avait prescrit à sa coupable ambition.
La suppression du roi de toutes les fonctions qui lui avaient été réservées par cette même constitution qu’on a si longtemps prônée comme le voeu de la nation entière, a été le dernier crime de l’Assemblée nationale, qui a attiré sur la France les deux terribles fléaux de la guerre et de l’anarchie… »
(Nouveaux murmures)
Brissot : « Je demande au moins le silence de la pitié ».
(Il poursuit sa lecture)
« …Il ne reste plus qu’un pas à faire pour les perpétuer, et l’esprit de vertige, funeste avant-coureur de la chute des empires, vient d’y précipiter ceux qui se qualifient du titre d’envoyés par la nation pour assurer ses droits et son bonheur sur des bases plus solides.
Le premier décret que leur assemblée a porté a été l’abolition de la royauté en France, et l’acclamation non motivée d’un petit nombre d’individus, dont plusieurs même sont des étrangers, s’est arrogée le droit de balancer l’opinion de quatorze générations qui ont rempli les quatorze siècles d’existence de la monarchie française.
Cette démarche, dont les seuls ennemis de la France devraient se réjouir, s’ils pouvaient supposer qu’elle eût un effet durable, est directement opposée à la ferme résolution que Leurs Majestés l’empereur et le roi de Prusse ont prise, et dont ces deux souverains alliés ne se départiront jamais, de rendre à Sa Majesté très chrétienne sa liberté, sa sûreté et sa dignité royale, ou de tirer une juste et éclatante vengeance de ceux qui oseraient y attenter plus longtemps.
A ces causes, le soussigné déclare à la nation française, en général, et à chaque individu en particulier, que Leurs Majestés l’empereur et le roi de Prusse, invariablement attachées au principe de ne point s’immiscer dans le gouvernement intérieur de la France… »
(On rit)
« …persistent également à exiger que Sa Majesté très chrétienne, ainsi que toute la famille royale, soient immédiatement remises en liberté par ceux qui se permettent de les tenir emprisonnées. Leurs Majestés insistent de même pour que la dignité royale en France soit rétablie sans délai dans la personne de Louis XVI et de ses successeurs… »
(Les éclats de rires recommencent avec plus de force)
« … et qu’il soit pourvu à ce que cette dignité se trouve désormais à l’abri des avanies auxquelles elle a été maintenant exposée. Si la nation française n’a pas tout a fait perdu de vue ses vrais intérêts, et si, libre dans ses résolutions, elle désire de faire cesser promptement les calamités d’une guerre qui expose tant de province à tous les maux qui marchent à la suite des armées, elle ne tardera pas à déclarer son opinion en faveur des demandes péremptoires que je lui adresse au nom de Leurs Majestés l’empereur et le roi de Prusse, et qui, en cas de refus, attireront immanquablement sur ce royaume, naguère florissant, de nouveaux et de plus terribles malheurs.
Le parti que la nation française va prendre à la suite de cette déclaration, ou étendra et perpétuera les funestes effets d’une guerre malheureuse en ôtant, par la suppression de la royauté, le moyen de rétablir et d’entretenir les anciens rapports entre la France et les souverains de l’Europe, ou pourra ouvrir la voie à des négociations pour le rétablissement de la paix, de l’ordre et de la tranquillité, que ceux qui se qualifient du titre de dépositaires de la volonté de la nation sont les plus intéressés à rendre aussi prompte qu’il est nécessaire à ce royaume.
Charles-Ferdinand, Duc de Brunswick-Lunebourg,
Au quartier général de Hans, le 28 septembre 1792 ».
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Source : « Journal officiel de la Convention Nationale – La Convention Nationale (1792-1793), Procès-verbaux officiels des séances depuis le 21 septembre 1792, Constitution de la grande assemblée révolutionnaire, jusqu’au 21 janvier 1793, exécution du roi Louis XVI, seule édition authentique et inaltérée contenant les portraits des principaux conventionnels et des autres personnages connus de cette sublime époque », auteur non mentionné, Librairie B. Simon & Cie, Paris, sans date, page 58.