Les deux courts textes ci-dessous proposent un regard sur l’Irlande durant la période de l’antiquité dans les sources gréco-latines.
Chez Strabon (63 av. J.-C-25 ap.J.-C), les habitants de L’île, qui porte le nom d’Iernè, sont décrits comme des « sauvages », « anthropophages » et « herbivores ». Le géographe y adjoint un tableau de mœurs haut en couleur. Cette description repose sur les topoï habituels des auteurs de l’Antiquité selon lesquels plus on s’éloigne de la Méditerranée, moins l’influence de la civilisation est forte. Strabon ne s’est, par ailleurs, jamais rendu dans les Gaules ou en Bretagne.
Tacite (55-57/116-120 ap.J.-C.), dans sa Vie d’Agricola, n’en offre pas la même vision.
L’Irlande, qui a pour nom romain Hibernia, « par la nature de son sol, son climat, sa composition ethnique et sa civilisation » ne présente « pas de grande différence avec la Grande-Bretagne ». L’historien évoque des ports et des échanges commerciaux et il mentionne les « regrets » de son beau-père, Julius Agricola (gouverneur de Grande-Bretagne et organisateur d’une circumnavigation ayant démontrée que la Grande-Bretagne était une île), pour qui « une légion avec un petit renfort autochtone » auraient suffi à occuper l’île.
L’Irlande dans la Géographie de Strabon, Livre IV, 5,4.
« Il y a aussi, autour de la Prettanikè (Grande-Bretagne), d’autres îles, de petites dimensions. Mais il en est une grande, Iernè (Irlande), qui s’étend parallèlement à elle, vers le Nord, assez allongée mais dont la largeur( lacune…). A son propos, nous ne pouvons rien dire de sûr, sinon que ceux qui l’habitent sont plus sauvages que les Prettanoi (Bretons). Qu’ils sont anthropophages aussi bien qu’herbivores; que, pour eux, lorsque leurs pères viennent de mourir, ce soit action honorable de les manger de même que de s’accoupler, au vu de tous, avec n’importe quelle femme, y compris leur mère et leurs sœurs, voilà des assertions pour lesquelles nous ne disposons pas de témoins dignes de foi – encore que, pour ce qui est de l’anthropophagie, on en fasse aussi une coutume scythique et qu’on dise aussi que, soumis aux nécessités d’un siège, les Keltoi, les Ibères et bien d’autres l’ont pratiquée ».
L’Irlande dans la Vie d’Agricola (24) de Tacite
« [… L’Irlande située à mi-chemin entre la Grande-Bretagne et l’Espagne, mais aussi à portée de la mer gauloise, pourrait devenir un nœud de grandes communications pour cette partie importante de l’Empire. Son territoire, si on le compare à celui de la Grande-Bretagne, est moins étendu mais dépasse la superficie des îles de notre Méditerranée. La nature de son sol, son climat, sa composition ethnique et sa civilisation ne présentent pas de grande différence avec la Grande-Bretagne. Les voies d’accès et les ports en sont connus grâce aux échanges commerciaux et aux hommes d’affaires.
Agricola avait recueilli l’un de ses petits monarques, chassé par un coup d’État local, et il le tenait en réserve, officiellement par amitié, en fait pour l’utiliser à l’occasion. Combien de fois l’ai-je entendu dire qu’il ne faudrait qu’une légion avec un petit renfort autochtone pour avoir le dessus sur l’Irlande et l’occuper. Et que cela serait d’ailleurs utile également par rapport à la Grande-Bretagne si nos armées étaient présentes partout, ne laissant plus, pour ainsi dire, la liberté s’étaler en spectacle ».