La chronologie n’est pas l’histoire. Et pourtant…

Le temps n’est pas l’objet de l’histoire mais il en est une composante consubstantielle. L’histoire étudie les sociétés passées ; elle le fait en accordant une importance particulière à l’inscription des faits sociaux dans le temps. Cette inscription dans le temps est un des éléments qui contribuent à construire les faits historiques ; Le temps lui-même est un agent de l’évolution de ces sociétés. Nous parlerons donc immédiatement de temps historique pour le distinguer d’autres temps, temps vécu par chacun ou temps astronomique, par exemple. Le temps historique est une construction des historiens pour construire les problèmes qu’ils étudient et les rendre intelligibles. A la linéarité des temps historiques dans une perspective positiviste a succédé la trilogie braudélienne, temps long, moyen, court, elle-même aujourd’hui fortement diversifiée. C’est une multiplicité de temps que travaillent les historiens et la notion d’événement a changé : “le dépassement de l’histoire événementielle dans une histoire de longue durée crée des événements à une autre échelle proprement historique”Paul Ricoeur : Evénement et sens, Raisons Pratiques 2, 1991. Voilà qui rend bien difficile la tâche de l’enseignant qui, soucieux de faire évoluer la discipline scolaire refuse de limiter et d’identifier le temps historique à un simple déroulement chronologique ; Mais, le voilà aussi en voie d’être mieux armé pour explorer d’autres manières de penser ce temps, manières susceptibles d’interroger ses pratiques et les apprentissages des élèves.

Le temps historique devient ainsi pluriel, les temps multiples font éclater sa pseudo-transparence. Nous cherchons donc à nous armer pour comprendre toute la richesse et la complexité de cette idée de temps historique.

Le temps historique ne se donne jamais de façon brute. Il s’inscrit toujours dans un discours qui porte sur des objets historiques déterminés. Les opérations sur le temps distribuent ces objets les uns par rapport aux autres selon l’ordre du temps et ainsi l’édifient, en construisant une certaine configuration, une certaine intelligibilité.

François Audigier : « La chronologie n’est pas l’histoire. Et pourtant… », in revue de l’IREHG, n°1 juin 1994, p. 80-81

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