« A l’appel de grève générale, tous les réseaux, à l’exception de celui du Nord, ont répondu. Au bout de quelques jours, l’arrêt du travail est presque complet sur toutes les lignes. Le gouvernement décide la mobilisation militaire des cheminots, mais n’ordonne d’abord que celle de trois classes du service actif. La fédération des mineurs, celle des métaux, les dockers votent des ordres du jour de solidarité avec les cheminots ; dans les mines de houille du Pas-de-Calais, éclatent des grèves partielles. Le gouvernement ne poursuivit pas jusqu’au bout le geste qu’il avait ébauché. L’enjeu ne lui parut pas justifier le risque. Il décida de faire un geste lui permettant de détacher du bloc gréviste la majorité des cheminots. Celle-ci ne pouvait se laisser séduire par l’exécution des promesses si longtemps différées. Pour dénouer une grève qu’elle n’avait pas voulue, A. Millerand s’adresse à la fédération des cheminots. La CGT, de son côté, estime le mouvement de grève prématuré, son Conseil économique du travail n’ayant pas encore mis au point un plan de gestion des services publics. Sur l’injonction du président du conseil, la commission Tissier, sortie de son sommeil, a préparé les bases d’un accord éventuel entre les cheminots et les compagnies. M. Millerand offre sa médiation. La fédération des cheminots et les compagnies l’acceptent. Le 1° mars, l’accord est signé et les représentants des cheminots demandent à la commission administrative de la CGT d’y souscrire.
Quelles étaient les conditions de l’arbitrage ? La détermination rapide des échelles de salaires par la commission Tissier, la promesse de fixer le statut des délégués syndicaux. Enfin et surtout, la grève n’entraînera pas de révocations. L’ordre de reprise du travail est lancé ; les syndicalistes révolutionnaires critiquent la fédération des cheminots, « la grande responsable de l’échec de la grève générale ». Par contre, ils ménagent la CGT. Même, le 2 mars, le comité de grève fait appel au bureau confédéral et Georges Dumoulin pour qu’il vienne, aux côtés de Monmousseau, affirmer la victoire des cheminots et recommander la reprise du travail. »
Source : Texte d’Edouard Dolléans (1877 -1954, auteur d’une Histoire du mouvement ouvrier). Le motif de cette grève fut la mise à pied de deux jours d’un cheminot qui n’était pas allé au travail pour cause de réunion syndicale.