« CE QUE J’ÉCRIS EST UN AVERTISSEMENT AU MONDE ENTIER ».
Les docteurs s’effondrent en plein travail. Risques de gaz mortels ; tous portent des masques. (De notre envoyé spécial Burchett).
A Hiroshima, trente jours après la première bombe atomique qui détruisit la ville et fit trembler le monde, des gens, qui n’avaient pas été atteints pendant le cataclysme, sont encore aujourd’hui en train de mourir, mystérieusement, horriblement, d’un mal inconnu pour lequel je n’ai pas d’autre nom que celui de peste atomique. Hiroshima ne ressemble pas à une cité bombardée. Elle fait penser à une ville sur laquelle serait passé un monstrueux rouleau compresseur, qui l’aurait broyée, anéantie à jamais (…).
Dans ces hôpitaux, j’ai découvert des gens qui, tout en n’ayant reçu aucune blessure au moment de l’explosion, sont pourtant en train de mourir de ses mystérieux effets.
Sans raison apparente, leur santé vacille. Ils perdent l’appétit. Leurs cheveux tombent. Des taches bleuâtres apparaissent sur leurs corps. Et puis ils se mettent à saigner, des oreilles, du nez, de la bouche. Au début, les docteurs attribuèrent ces symptômes à une faiblesse généralisée. Ils administrèrent à leurs patients des injections de vitamine A. Les résultats furent horribles. La chair se mit à pourrir autour du trou fait par l’aiguille de la seringue. Et, chaque fois, cela se termina par la mort de la victime. C’est là un des effets différés de la première bombe atomique lancée par des hommes et ce que j’ai vu m’a suffi (…).
On a dénombré 53.000 morts. 30.000 autres personnes sont portées disparues, ce qui signifie qu’elles ont succombé sans aucun doute possible. Pendant la journée que j’ai passée à Hiroshima, 100 personnes sont mortes des effets de la bombe : elles faisaient partie des 13’000 blessés graves de l’explosion. Depuis, elles meurent, à la cadence de 100 par jour. Et, vraisemblablement, toutes sont condamnées. Il y en a encore 40’000 autres qui ont été légèrement blessées (…). »
W. Burchett, Daily Express, 5 septembre 1945. Traduction : Révolution, 2 août 1985.