Si Maximilien de Robespierre [1758-1794] est resté comme la clé de voûte et l’incarnation de la Terreur, il n’en demeure pas moins qu’il fut, auparavant,  un chaud partisan  de l’abolition de la peine de mort.

Avocat et homme politique originaire d’Arras, il l’est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants. Après la mort de sa mère et le départ de son père, Maximilien est pris en charge par son grand-père maternel, Jacques Carraut. Après des études brillantes menées à Paris au collège Louis-le-Grand en compagnie entre autres  de Camille Desmoulins , il est licencié en droit et devient avocat.

Élu député du Tiers état aux États Généraux de 1789, il devient bientôt l’une des principales figures des démocrates à l’Assemblée constituante et noue des relations cordiales avec Mirabeau, durant un temps. Il prend la parole à plusieurs reprises pour défendre plusieurs causes dont l’abolition de la peine de mort et de l’esclavage.

C’est dans ce contexte que, le 30 mai 1791, il prononce ce discours…


La nouvelle ayant été portée à Athènes que des citoyens avaient été condamnés à mort dans la ville d’Argos, on courut dans les temples, et on conjura les dieux de détourner des Athéniens de pensées si cruelles et si funestes. Je viens prier non les dieux, mais les législateurs, qui doivent être les organes et les interprètes des lois éternelles que la Divinité a dictées aux hommes, d’effacer du code des Français les lois de sang qui commandent des meurtres juridiques, et que repoussent leurs mœurs et leur constitution nouvelle. Je veux leur prouver, 1° que la peine de mort est essentiellement injuste ; 2° qu’elle n’est pas la plus réprimante des peines, et qu’elle multiplie les crimes beaucoup plus qu’elle ne les prévient.

Hors de la société civile, qu’un ennemi acharné vienne attaquer mes jours, ou que, repoussé vingt fois, il revienne encore ravager le champ que mes mains ont cultivé, puisque je ne puis opposer que mes forces individuelles aux siennes, il faut que je périsse ou que je le tue ; et la loi de la défense naturelle me justifie et m’approuve. Mais dans la société, quand la force de tous est armée contre un seul, quel principe de justice peut l’autoriser à lui donner la mort ? quelle nécessité peut l’en absoudre ? Un vainqueur qui fait mourir ses ennemis captifs est appelé barbare ! Un homme fait qui égorge un enfant qu’il peut désarmer et punir, paraît un monstre ! Un accusé que la société condamne n’est tout au plus pour elle qu’un ennemi vaincu et impuissant ; il est devant elle plus faible qu’un enfant devant un homme fait. […]

Quand le fanatisme, né de l’union monstrueuse de l’ignorance et du despotisme, inventa à son tour les crimes de lèse-majesté divine, quand il conçut, dans son délire, le projet de venger Dieu lui-même, ne fallut-il pas qu’il lui offrit aussi du sang, et qu’il le mit au moins au niveau des monstres qui se disaient ses images ?

La peine de mort est nécessaire, disent les partisans de l’antique et barbare routine ; sans elle il n’est point de frein assez puissant pour le crime, Qui vous l’a dit ? avez vous calculé tous les ressorts par lesquels les lois pénales peuvent agir sur la sensibilité humaine ? Hélas ! avant la mort, combien de douleurs physiques et morales l’homme ne peut-il pas endurer !

Le désir de vivre cède à l’orgueil, la plus impérieuse de toutes les passions qui maîtrisent le cœur de l’homme. La plus terrible de toutes les peines pour l’homme social, c’est l’opprobre, c’est l’accablant témoignage de l’exécration publique. Quand le législateur peut frapper les citoyens par tant d’endroits sensibles et de tant de manières, comment pourrait il se croire réduit à employer la peine de mort ? Les peines ne sont pas faites pour tourmenter les coupables, mais pour prévenir le crime par la crainte de les encourir. […]

On a observé que dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l’homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout ou elles offensent l’humanité par un excès de rigueur, c’est une preuve que la dignité de l’homme n’y est pas connue, que celle du citoyen n’existe pas : c’est une preuve que le législateur n’est qu’un maître qui commande à des esclaves, et qui les châtie impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée.

Maximilien de Robespierre, discours contre la peine de mort prononcé le 30 mai 1791 devant l’Assemblée constituante, extraits


Commentaire :

Robespierre n’est ni le premier ni le seul révolutionnaire à défendre l’idée d’abolir la peine de mort. En effet, quelques jours plus tôt, le 23 mai 1791, un rapport de projet concernant l’élaboration d’un nouveau Code pénal présenté au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, par Louis-Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau fait cette proposition. L’idée est débattue le 30 à l’Assemblée et elle  est alors soutenue par Robespierre…

 

 

Bibliographie indicative :

  • Jean-Clément MartinNouvelle Histoire de la Révolution française, Paris, Perrincoll. « Pour l’histoire », , 636 p.
  • Jean-Clément Martin, Robespierre. La fabrication d’un monstre, Paris, Perrin, 2016, 368 p.