« (…) Il y a cinq conditions qui constituent ce qui s’appelle le nécessaire en fait de liberté.

La première est celle qui est destinée à assurer la sécurité du citoyen. Il faut que le citoyen repose tranquillement dans sa demeure, parcoure toutes les parties de l’État sans être exposé à aucun acte arbitraire (…). Il faut que le citoyen soit garanti contre la violence individuelle et contre tout acte arbitraire du pouvoir. Ainsi, quant à cette liberté qu’on appelle la liberté individuelle, je n’y insisterai pas ; c’est bien celle-ci qui mérite le titre d’incontestable et d’indispensable.

Mais, quand le citoyen a obtenu cette sécurité, cela ne suffit pas. S’il s’endormait dans une tranquille indolence, cette sécurité, il ne la conserverait pas longtemps. Il faut que le citoyen veille sur la chose publique. Pour cela, il faut qu’il y pense, et il ne faut pas qu’il y pense seul, car il n’arriverait ainsi qu’à une opinion individuelle ; il faut que ses concitoyens y pensent comme lui, il faut que tous ensemble échangent leurs idées et arrivent à cette pensée commune qu’on appelle l’opinion publique ; et cela n’est possible que par la presse. Il faut donc qu’elle soit libre, mais lorsque je dis liberté, je ne dis pas impunité. De même que la liberté individuelle du citoyen existe à la condition qu’il n’aura pas provoqué la vindicte de la loi, la liberté de la presse est à cette condition que l’écrivain n’aura ni outragé l’honneur des citoyens ni troublé le repos du pays. Ainsi, pour moi, la seconde liberté nécessaire, c’est cette liberté d’échange dans les idées qui crée l’opinion publique.

Mais, lorsque cette opinion se produit, il ne faut pas qu’elle soit un vain bruit, il faut qu’elle ait un résultat. Pour cela il faut que des hommes choisis viennent l’apporter ici, au centre de l’État – ce qui suppose la liberté des élections – et, par liberté des électeurs, je n’entends pas que le gouvernement qui est chargé de veiller aux lois n’ait pas là un rôle ; que le gouvernement qui est composé de citoyens n’ait pas une opinion : je me borne à dire qu’il ne faut pas qu’il puisse dicter les choix et imposer sa volonté dans les élections. Voilà ce que j’appelle la liberté électorale.

Enfin, Messieurs, ce n’est pas tout : quand ces élus sont ici mandataires de l’opinion publique, chargés de l’exprimer, il faut qu’ils puissent à temps apporter un utile contrôle à tous les actes du pouvoir. Il ne faut pas que ce contrôle arrive trop tard et qu’on n’ait que des fautes irréparables à déplorer. C’est là la liberté de la représentation nationale (…) et cette liberté est selon moi, la quatrième des libertés nécessaires.

Enfin vient la dernière je ne dirai pas la plus importante, elles sont toutes également importantes mais la dernière, dont le but est celui-ci : c’est de faire que l’opinion publique, bien constatée ici à la majorité, devienne la directrice des actes du gouvernement. »

Adolphe Thiers, Discours au Corps Législatif (11 janvier 1864).

même discours avec un découpage différent

Les libertés nécessaires

« Pour moi, Messieurs, il y a cinq conditions qui constituent ce qui s’appelle le nécessaire en fait de liberté.

Il faut que le citoyen soit garanti contre la violence individuelle et contre tout acte arbitraire du pouvoir. Ainsi, quant à cette liberté qu’on appelle la liberté individuelle, je n’y insisterai pas ; c’est bien celle-ci qui mérite le titre d’incontestable et d’indispensable.

Mais, quand le citoyen a obtenu cette sécurité, cela ne suffit pas, Il faut que le citoyen veille sur la chose publique. Pour cela, il faut qu’il y pense… ; il faut que ses concitoyens y pensent comme lui, il faut que tous ensemble échangent leurs idées et arrivent à cette pensée commune qu’on appelle l’opinion publique, et cela n’est possible que par la presse. Il faut donc qu’elle soit libre, mais (…) la liberté de la presse est à cette condition que l’écrivain n’aura ni outragé l’honneur des citoyens, ni troublé le repos du pays.

Mais, lorsque cette opinion se produit, il faut qu’elle ait un résultat. Pour cela il faut que des hommes choisis viennent l’apporter ici, au centre de l’Etat – ce qui suppose la liberté des élections – et, par liberté des électeurs, je me borne à dire qu’il ne faut pas qu’il puisse dicter les choix et imposer sa volonté dans les élections. Voilà ce que j’appelle la liberté électorale.

Enfin messieurs, ce n’est pas tout ; quand ces élus sont ici mandataires de l’opinion publique, chargés de l’exprimer, il faut qu’ils jouissent d’une liberté complète; il faut qu’ils puissent à temps apporter un utile contrôle à tous les actes du pouvoir. (…) C’est là, la liberté de la représentation nationale… et cette liberté est, selon moi, la quatrième des libertés nécessaires.

Enfin vient la dernière c’est de faire que l’opinion publique, devienne la directrice des actes du Gouvernement (Bruit)… »

extrait d’A. Thiers, Discours au Corps législatif, 11 janvier 1864