Robert Archibald Wilton [1868-1925] est le fils d’un ingénieur minier britannique employé en Russie. En 1889, il rejoint le personnel européen du New York Herald. Il y reste quatorze ans en tant que correspondant sur les affaires russes et allemandes. Puis il devient correspondant du Times à Saint-Pétersbourg et se fait connaître comme un observateur attentif des événements en Russie au cours des dernières années du régime tsariste. Ayant servi l’armée russe durant la Première Guerre mondiale, très attaché au régime tsariste, il reçoit la Croix de Saint-Georges en retour.

Après la révolution de 1917, Robert Wilton s’échappe de Russie et s’installe à Paris en 1918, année où il publie un ouvrage sur les causes de la révolution, Russia’s Agony, qui paraît simultanément au Royaume-Uni et aux États-Unis et qui est traduit en français, deux ans plus tard. Il publie également, deux ans plus tard The Last Days of the Romanovs, également traduit en français en 1921, dans lequel il revient sur les derniers jours de la famille impériale russe. Il meurt à Paris en 1925.

 


 

L’assassinat des Romanof n’est pas un crime ordinaire, il a exigé tout un ensemble de circonstances, une réunion de personnalités politiques : on ne tue pas un Tsar et toute sa Famille pour des raisons accidentelles, ou des intérêts privés. Il faut se familiariser avec l’ambiance du crime si l’on veut en démêler les motifs. Au commencement de l’année 1917, lorsque la Russie allait lancer au-delà des Carpathes et des Balkans huit millions de soldats, fournissant ainsi le moyen sûr d’abattre la coalition tudesque, Guillaume et Lüdendorff envoyèrent Lénine et sa horde semer le désaccord et l’anarchie parmi les Russes et sauver ainsi l’Allemagne.

L’écrasement de l’Entente devait être la conséquence de la mission bolcheviste. Ce plan, conçu à l’avance, avait entraîné de grosses dépenses, c’est aux frais de Berlin (et de Vienne) que Lénine et ses acolytes travaillèrent en Suisse près de deux années ; des professeurs de l’art de la propagande — spécialité allemande — leur apprirent à organiser la conquête « paisible » de la Russie.

Chapitre II : la scène et les acteurs – Extrait, page 18


Lorsque les armes furent apportées, Yourovski confia à Medvedef le projet de la boucherie, en lui défendant d’en parler aux Russes avant onze heures du soir. À ce moment il devait prévenir les sentinelles postées autour de la maison, afin d’empêcher un « malentendu ». On avait exclu les Russes de la maison, pour accomplir le dessein d’assassiner les Romanof ; maintenant on les désarmait, en les tenant dans l’ignorance jusqu’au dernier moment. La chose est claire : on craignait les Russes, car les Juifs du Soviet accomplissaient une œuvre juive.

Chapitre X Calvaire – Extrait page 92

L’autocratie rouge au temps de l’assassinat des Romanof se composait entièrement de Juifs, à 1’exception seule de Lénine, de son vrai nom Vladimir Oulianof, bourgeois annobli de Simbirsk. Seul un Russe aurait été capable d’une imagination si destructrice ; seuls des Juifs auraient pu réaliser son plan de bouleversement universel. Mais la conception de Lénine n’avait d’autre but qu’une utopie, tandis que les activités sémites poursuivaient un but réel : l’accaparement de la Russie.

En ceci, ils continuaient la tradition, un moment compromise par la guerre, d’intermédiaires entre l’Allemagne et la Russie. En dépit des différends, plutôt superficiels, séparant le Juif bourgeois du Juif bolcheviste, le plan poursuivi par Sverdlof de concert avec le kaiserisme fut exactement pareil au plan de l’Allemagne républicaine intimement liée à l’autocratie rouge actuelle ; la débâcle économique du monde, permettant aux Allemands de liquider leurs dettes, tout en renforçant leur main mise sur la Russie. « L’américanisme » des Trotski en lutte d’abord avec le « germanisme » des Sverdlof s’y rallia après le désaveu, trop tardif, du régime rouge par le gouvernement wilsonien. […] Ces représentants, partagés habilement dans différents services —sans compter les militaires dans l’armée rouge — assuraient une liaison parfaite, fonctionnant toujours malgré les événements extérieurs. […]

C’est dans le Comité central du parti des Bolcheviks que le pouvoir du régime se trouve ; or voici sa composition en 1918 : Bronstein (Trotski), Apfelbaum (Zinovief), Lourie (Larine), Ouritski, Volodarski, Rosenfeldt (Kamenef), Smidovitch, Sverdlof (Yankel), Nakhamkes (Steklof). Juifs 9

Oulianof (Lénine), Krylenko, Lounatcharski. Russes 3 / 12

Chapitre XVI L’autocratie rouge – Extrait pp. 135-136

L’inscription faite en caractères cabalistiques sur le mur de la chambre du crime dans la maison lpatief n’est pas encore déchiffrée, mais à ce sujet j’ai reçu plusieurs communications de personnes au courant de la cryptographie. Il est constaté que ses codes secrets de certaines sociétés dont le siège est en Allemagne et dont les affiliations juives sont notoires renferment des caractères semblables à ceux de l’inscription d’Ekaterinebourg. S’agissait-il d’une communication secrète entre complices ? Peut-être le saura-t-on un jour… (1)

Il paraîtrait que dans la tragédie des Romanof, ainsi que dans quelques phénomènes observés au cours de la guerre mais restés inexpliqués ou bien passés sous silence, des puissances occultes se sont entremises, la Magie Noire étant fort répandue en Allemagne. Mais il en serait produit une conséquence semblable à celles qu’amenèrent les autres moyens sournois et malhonnêtes employés par les Allemands.

(1). Voici quelques extraits d’une lettre que j’ai reçue d’une personne très documentée : « Ayant suivi le rôle des Illuminati allemands à travers tous les mouvements révolutionnaires du siècle passé, je suis convaincu que le régime bolcheviste actuel reçoit ses directives d’une société secrète dont le siège est probablement en Allemagne… Il est assez curieux que trois sur quatre des caractères que vous reproduisez ressemblent aux caractères dont se servaient les Illuminati ainsi que les a publiés le comte Le Couteulx de Canteleu dans son livre Les Sectes et Sociétés secrètes (1863).

Post scriptum de la traduction française – Extrait page 151


Commentaire :

Les Protocoles des Sages de Sion, publiés en 1903 pour la première fois, connaissent une réelle popularité à partir de 1917 avec la Révolution bolchévique, certains passages apparaissant comme prémonitoires. Dans le même temps, un certain nombre d’auteurs en Europe (russes en tête, mais pas seulement) commencent à faire le lien entre complot juif et communisme. C’est le cas de Robert Wilton, antisémite assumé et partisan du régime du Tsar, mais aussi d’autres écrivains ou journalistes tels que l’anglaise Nesta Webster au même moment.

– Robert Wilton s’inscrit dans la tradition de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme tels qu’ils se sont développés depuis le Moyen-Âge. Cet ouvrage s’acharne à vouloir démontrer que la Révolution bolchévique est le fruit d’un complot longuement mûri par les juifs qui, dans le même temps auraient, selon lui, accompli un meurtre rituel. Nous retrouvons également les Illuminati, source d’explication de la présence allemande dans ce complot. Wilton invoque des inscriptions cabalistiques présents sur le lieu du meurtre des Romanov (signes de la tradition occulte qui imprègne le complotisme) mais ces dernières sont reproduites à l’état de dessins simplistes dans son livre, sans explications, afin d’enfoncer l’idée de meurtre rituel ici page 140 (en 1921, le public fait difficilement le distinguo entre photo authentique et dessin basique) :

– Il fait le lien ici entre judaïsme et communisme, ce dernier étant dominé par les juifs comme il tente de le démontrer en soulignant le nombre important de juifs (tout en reconnaissant par ailleurs qu’ils ne sont pas majoritaires dans le mouvement et que certains ne vont pas à la synagogue !). Pour lui, la révolution ne peut  s’expliquer que  par un complot des juifs ; les autres facteurs liés au contexte de la Première Guerre mondiale sont purement occultés, tandis que certaines personnalités sont essentialisées dans une identité juive complotiste comme preuve de leur essence malfaisante ( C’est le cas de Trotsky).

– Une nouvelle fois, nous retrouvons un vieux poncif : un événement extraordinaire (une révolution) est attribué à un complot. Les facteurs propres à la Russie et à sa situation catastrophique dans le contexte de la Première Guerre mondiale sont totalement écartés et ne sont  jamais mentionnés, schéma déjà vu chez l’abbé Barruel,

-Dans son texte, on note chez cet amoureux de la Russie impériale une tendance à vouloir dédouaner les Russes, qui sont à la fois coupables mais aussi et surtout manipulés par les juifs à tous les niveaux, l’esprit révolutionnaire étant impossible chez eux, puisqu’elle ne fait pas partie de l’âme russe, selon lui.

-Nous notons aussi un élément complexe mais inhérent à la démarche complotiste : la capacité à s’appuyer  sur un élément authentique et à le déformer dans ses origines et ses ramifications : ici,  la participation de l’Allemagne qui a effectivement permis à Lénine de rejoindre la Russie et de favoriser une révolution lui permettant d’alléger le front de l’Est. Mais à aucun moment Wilton n’envisage la stratégie militaire, persuadé que la Russie disposait de moyens supérieurs à l’Allemagne.

– Il cite comme source lcomte Jean-Emmanuel Hector Le Couteulx de Canteleu [1827-1910]. Officier de cavalerie et spécialiste de la chasse à courre, il a signé un ouvrage traditionaliste assez ordinaire où il défend directement et indirectement le catholicisme contre les sociétés secrètes et la franc-maçonnerie, qu’il fait remonter à l’époque de Salomon et qui ne fait que compiler des théories déjà présentes dans des ouvrages plus notoires. Nous retrouvons là aussi une méthode propre aux ouvrages complotistes qui citent de prétendues sources (qui n’en sont pas) et qui ont pour but d’entretenir les mêmes idées que celles de l’auteur.

[ ! Note : Cliotexte précise ici que les extraits des textes qui ont inspiré la pensée complotiste contemporaine sont délivrés ici dans le but d’aider les collègues cherchant à expliquer aux élèves les origines des diverses notions et théories en cours. Le but est de montrer la manière dont des idées se recyclent à travers le temps mais aussi les limites de ces textes En cas de question complémentaire n’hésitez pas à nous contacter]