Les mesures de libéralisation de 1867
« Monsieur le Ministre (1),
Depuis quelques années, on se demande si nos institutions ont atteint leur limite de perfectionnement ou si de nouvelles améliorations doivent être réalisées ; de là une regrettable incertitude qu’il appartient de faire cesser.
Le plan que je me suis tracé consiste à corriger les imperfections que le temps a révélées et à admettre les progrès compatibles avec nos moeurs (…).
Je crois qu’on peut, sans amoindrir les prérogatives des pouvoirs délibérants, remplacer l’Adresse par le droit d’interpellation sagement réglementé.
Une autre modification m’a paru nécessaire dans les rapports du Gouvernement avec les grands corps de l’État ; j’ai pensé que, en envoyant les ministres au Sénat et au Corps législatif, en vertu d’une délégation spéciale, pour y participer à certaines discussions, j’utiliserais mieux les forces de mon gouvernement (…).
Mais là ne doivent pas s’arrêter les réformes qu’il convient d’adopter : une loi sera proposée pour attribuer exclusivement aux tribunaux correctionnels l’appréciation des délits de presse et supprimer ainsi le pouvoir discrétionnaire du Gouvernement. Il est également nécessaire de régler législativement le droit de réunion en le contenant dans les limites qu’exige la sécurité publique. »
signé Napoléon
Lettre de l’empereur au Ministre d’État, in Le Moniteur Universel, 20 janvier 1867.
1) Rouher, ministre d’État, rédacteur de la Constitution de 1852 et partisan du régime autoritaire.
Napoléon III et le libre-échange.
a. Les instructions de l’empereur.
« Il faut multiplier les moyens d’échange pour rendre le commerce florissant ; sans concurrence, l’industrie reste stationnaire et conserve des prix élevés qui s’opposent aux progrès de la consommation – (…)
Pour encourager la production industrielle, il faut affranchir de tout droit les matières premières indispensables à l’industrie et lui prêter, exceptionnellement et à un taux modéré, comme on l’a déjà fait à l’agriculture pour le drainage, les capitaux qui l’aideront à perfectionner son matériel.
Ainsi, en résumé :
– suppression des droits sur la laine et les cotons – réduction successive sur les sucres et les cafés
– amélioration des voies de communication
– réduction des droits sur les canaux, et par suite, abaissement général des frais de transport – prêts à l’agriculture et à l’industrie – travaux considérables d’utilité publique; – suppression des prohibitions ;
– traités de commerce avec les puissances étrangères.
Telles sont les bases générales du programme sur lequel je vous prie d’attirer l’attention de vos collègues qui devront préparer sans retard les projets de loi destinés à le réaliser. Il obtiendra, j’en ai la ferme conviction, l’appui patriotique du Sénat et du Corps législatif. »
Lettre de Napoléon III au ministre d’État.
b. Une première application.
« ART. I- S. M. l’Empereur des Français s’engage à admettre les objets ci-après dénommés, d’origine et de manufacture britanniques importés du Royaume-Uni en France moyennant un droit qui ne devra en aucun cas dépasser 30 % de la valeur. (Suit une liste de quarante-cinq articles).
ART. 2. – S. M. l’Empereur s’engage à réduire les droits d’importation en France sur la houille et le coke britanniques au chiffre de 15 centimes les 100 kilogrammes (…)
ART. 5. – S. M. Britannique s’engage à recourir à son parlement pour abolir les droits d’importation sur les articles suivants. (Suit une liste de quarante-six articles.) »
extrait du Traité de commerce avec l’Angleterre, 23 janvier 1860
Les moyens de l’expansion
« Avant de développer notre commerce étranger par l’échange des produits, il faut améliorer notre agriculture et affranchir notre industrie de toutes les entraves intérieures qui la placent dans des conditions d’infériorité. Il n’y a donc qu’un système général de bonne économie qui puisse, en créant la richesse nationale, répandre l’aisance dans la classe ouvrière. En ce qui concerne l’agriculture, il faut la faire participer aux bienfaits des institutions de crédits ; défricher les forêts situées dans les plaines et reboiser les montagnes, affecter tous les ans une somme considérable aux grands travaux de dessèchement, d’irrigation et de défrichement. (…) Pour encourager la production industrielle, il faut affranchir de tout droit les matières premières indispensables à l’industrie et lui prêter, exceptionnellement et à un taux modéré, comme on l’a déjà fait pour l’agriculture, les capitaux qui l’aideront à perfectionner son matériel.
Un des grands services à rendre au pays est de faciliter le transport des matières de première nécessité pour l’agriculture et l’industrie. A cet effet, le ministre des Travaux publics fera exécuter le plus promptement possible les voies de communication, canaux, routes et chemins de fer qui auront surtout pour but d’amener la houille et les engrais sur les lieux où les besoins de la production les réclament. »
Extrait d’une lettre de Napoléon III à son ministre d’état Fould (15 janvier 1860).