Sommaire

Les Chrétiens et l’autorité
La persécution de Néron
Martyrs
La Grande persécution de Dioclétien
L’espoir d’une martyre
Lettre d’un gouverneur à l’empereur Trajan Pline le Jeune et les Chrétiens
L’édit de tolérance de Galère (311 ap. J.-C.)
La lettre de Milan (313 ap. J.-C.)
La loi sur le repos du dimanche
Un conflit empereur-évêque
Le premier ermite connu : Antoine
Le Credo du Concile de Nicée en 325 ap. J.-C.

Les Chrétiens et l’autorité

« Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu. »

Paul, Epître aux Romains, 13.1
d’après la Bible de Jérusalem, Le Cerf, 1973.

La persécution de Néron

En 64, un gigantesque incendie détruit un quart de Rome (3 régions sur 12). L’Empereur Néron l’a t il souhaité pour reconstruire la ville ? Il est suspecté par bien des Romains.

« Pour anéantir cette rumeur, Néron supposa des coupables et infligea des tortures cruelles à ceux que leur conduite faisait détester et que la foule appelait chrétiens.(…) Réprimée sur le moment, leur détestable religion apparaissait de nouveau, non pas seulement en Judée, où le mal avait pris naissance, mais encore à Rome, où tout ce qu’il y a d’affreux ou de honteux dans le monde se rassemble.
On commença par emprisonner ceux qui reconnaissaient qu’ils étaient chrétiens. Puis, lorsqu’ils révélèrent les noms d’autres chrétiens, on emprisonna aussi ces derniers : on les accusait moins d’avoir allumé les incendies qui éclataient à Rome que de haïr le genre humain. On ne se contentait pas de les faire périr : on s’amusait à les revêtir de peaux de bêtes pour les faire déchirer par les dents des chiens. Ou bien on les attachait à des croix et, quand le jour finissait, on les enduisait de résine et on les allumait comme des flambeaux dont on s’éclairait. L’Empereur Néron avait offert ses jardins pour ce spectacle (…). »

Tacite, Annales, XV.44

Martyrs

Justin, philosophe qui tient une école à Rome, fut dénoncé comme chrétien et décapité avec six autres chrétiens en 165-168 après J.-C.. Le procès verbal de son interrogatoire est un des rares récits authentiques de martyre.

« Dès qu’ils furent amenés dans le tribunal, le préfet Rusticus dit à Justin : « Commence par te soumettre aux dieux et obéis aux empereurs ! » Justin répondit : « On ne peut être blâmé ou condamné pour se soumettre aux commandements de Notre Seigneur Jésus-Christ. » « Quelle doctrine enseignes-tu ? » demanda la préfet Rusticus. « Je me suis efforcé, dit Justin, d’apprendre toutes les doctrines ; je m’en tiens finalement à la doctrine de vérité, celle des chrétiens, bien qu’elle déplaise aux tenants d’opinions erronées. » « C’est donc là, répliqua Rusticus, la doctrine qui te plaît, malheureux ! » « Oui, dit Justin, et je m’y attache par le lien d’une croyance droite. » « Quelle est cette croyance ? » demanda Rusticus. « Ce qu’est notre piété envers le Dieu des chrétiens, répondit Justin, c’est de croire qu’il est unique, qu’il est dès l’origine créateur et organisateur du monde entier, du monde visible et de l’invisible, c’est d’affirmer le Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui a d’abord été prédit par les prophètes comme devant venir au secours du genre humain, messager du salut et maître d’excellents enseignements. Quand à moi, qui ne suis qu’un homme, j’estime ne pouvoir dire que de pauvres paroles, au regard de sa divinité infinie, tout en affirmant une puissance prophétique, je veux dire que des prédictions ont été faites au sujet de celui dont j’affirmais à l’instant qu’il est le Fils de Dieu. De fait, sache-le bien, inspirés d’en haut, les prophètes ont annoncé sa venue parmi les hommes. » »

Extrait tiré des « Actes du martyre des saints Justin, Chariton, Charitô, Evelpistos, Hiérax, Péon et Libérien « .
cité in LORIOT Xavier, BADEL Christophe (dir.) :  » Sources d’Histoire romaine (Ier siècle av. J.-C. – début du Ve siècle apr. J.-C.) », Paris, Larousse (Textes essentielles), 1993, p. 654

 

La Grande persécution de Dioclétien

« Ces gens, disait [Dioclétien], avaient l’habitude de marcher volontairement à la mort, et il était bien suffisant d’épurer de cette religion le personnel du palais et de l’armée. Il ne put cependant fléchir la folie de [Galère]. (…) Le lendemain on afficha un édit stipulant que les adeptes de cette religion seraient exclus de toute charge officielle et de toute dignité et passibles de torture, que toute action dirigée contre eux serait recevable mais qu’ils n’auraient pas le droit d’agir en justice en réparation de dommages pour adultère et pour vol (…); les arrestations n’épargnaient ni l’âge, ni le sexe ; toutes se terminaient par le bûcher et si grande était la foule des condamnés qu’on ne les exécutait plus individuellement, mais qu’ils étaient rassemblés en masse au centre d’un immense feu. »

Lactance (vers 260-325 ap. J.-C.), De la mort des persécuteurs, 2
cité par Meslin-Palanque, Le Christianisme antique, A. Colin, 1970

L’espoir d’une martyre

La jeune chrétienne Perpétue est en prison en 203. Avant d’être exécutée, elle a un rêve…

« Je vis un immense jardin. Au milieu était un homme aux cheveux blancs, vêtu comme un berger, de haute taille, et occupé à traire les brebis. Autour de lui se tenaient des milliers de gens vêtus de blanc. Il leva la tête et m’aperçut. Il me dit : « sois la bienvenue, mon enfant ». Il m’appela, et il me donna une bouchée du fromage qu’il faisait. Je la reçus dans les mains jointes et la mangeai. Tous ceux qui m’entouraient disaient « Amen ». Au bruit de leurs voix, je me réveillai, mâchant encore je ne sais quelle douceur. Je le racontai à mon frère. Nous comprîmes alors que c’était le martyre qui nous attendait. Dès lors, nous nous mîmes à ne plus rien espérer de ce monde. »

Passion des saintes Perpétue et Félicité, 4
traduction de V. Saxer, Saints anciens d’Afrique du Nord , Cité du Vatican, 1979

Lettre d’un gouverneur à l’empereur Trajan
Pline le Jeune et les Chrétiens

« Je n’ai jamais participé à des procès concernant des chrétiens ; c’est pourquoi je ne sais quels sont les faits que l’on punit ou sur lesquels on enquête, ni jusqu’où il faut aller (…) s’il faut pardonner à ceux qui se repentent, et encore si, pour qui a vraiment été chrétien, rien ne sert de se dédire, et si l’on punit le seul nom de chrétien en l’absence de crimes (1) ou les crimes qu’implique ce nom.

En attendant, voici la règle que j’ai suivie envers ceux qui m’étaient déférés comme chrétiens : je leur ai demandé à eux-mêmes s’ils étaient chrétiens. À ceux qui avouaient, je l’ai demandé une seconde et une troisième fois, en les menaçant du supplice ; ceux qui persévéraient, je les ai fait exécuter : peu importe la nature de ce qu’ils avouaient ainsi, j’étais certain qu’il fallait punir du moins cet entêtement et cette obstination inflexibles ; d’autres, possédés de la même folie, je les ai, en tant que citoyens romains, notés pour être envoyés à Rome. (…)

Ceux qui niaient être ou avoir été chrétiens, s’ils répétaient après moi une invocation aux dieux et faisaient une supplication par l’encens et le vin à ton image que j’avais donné ordre d’apporter avec les statues des divinités, et aussi s’ils maudissaient le Christ – toutes choses qu’il est, dit-on, impossible d’obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens -, j’ai pensé qu’il fallait les relâcher. D’autres avaient été accusés par un dénonciateur à titre privé, et après avoir dit qu’ils étaient chrétiens, le nièrent (…). Tous ceux-là aussi ont adoré ton image ainsi que les statues des dieux et ont maudit le Christ.

(…) J’ai cru d’autant plus nécessaire de chercher ce qu’il y a de vrai là-dessous en faisant torturer deux esclaves que l’on disait diaconesses (2). Je n’ai découvert qu’une mauvaise superstition sans mesure. Aussi ai-je suspendu ces procès pour te consulter. L’affaire m’a paru mériter une consultation, surtout en raison du nombre des accusés. Nombreux sont ceux qui sont en danger (3), de tout âge, appartenant à tous les « ordres », et même aux deux sexes. La contagion de cette superstition a gagné non seulement les villes, mais les villages et les campagnes ; elle paraît pouvoir être enrayée et guérie.

Il n’est certes pas douteux que les temples qui étaient désormais presque abandonnés commencent à être fréquentés, que les cérémonies rituelles longtemps interrompues sont reprises, que partout on vend la chair des victimes, qui jusqu’à présent ne trouvait plus que de très rares acheteurs. D’où il est aisé de penser quelle foule d’hommes pourrait être guérie si l’on accueillait le repentir. »

Lettre de Pline le jeune à l’empereur Trajan vers 112 (Lettres, 10, 96).

Cité dans « Histoire Seconde », sous la direction de Claude Quétel, éditions Bordas, 1996, p. 77

Notes :
1. Sous-entendu :  » prouvés « .
2. Chrétiennes qui remplissent un certain nombre de fonctions dans les communautés d’Orient.
3. Sous-entendu :  » de se convertir « .

De la même lettre, un extrait plus court dans une autre traduction…

« Maître, voici la règle, que j’ai suivie envers ceux qui m’étaient déférés comme chrétiens. Je leur ai moi même demandé s’ils étaient chrétiens. A ceux qui avouaient, je l’ai demandé une seconde et une troisième fois, en les menaçant du supplice ; ceux qui persévéraient, je les ai fait exécuter (…) Ceux qui niaient être chrétiens ou l’avoir été, s’ils invoquaient les dieux selon la formule que je leur dictais et sacrifiaient par l’encens et le vin devant ton image que j’avais fait apporter à cette intention avec les statues des divinités, si en outre ils blasphémaient le Christ toutes choses qu’il est, dit on, impossible d’obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens , j’ai pensé qu’il fallait les relâcher.

Pline le Jeune, lettre à Trajan, livre X, lettre 96

L’édit de tolérance de Galère (311 ap. J.-C.)

« L’empereur César Galère (…) aux habitants des provinces, salut : parmi les autres dispositions que nous prenons toujours pour l’intérêt de l’État, nous avions décidé antérieurement de veiller à ce que même les chrétiens, qui avaient abandonné la foi de leurs pères, revinssent à de bonnes dispositions. (…) Comme un grand nombre persévèrent dans leur position et que nous voyons qu’ils ne rendent pas aux dieux le culte et la dévotion qui leur sont dus, sans honorer pour autant le dieu des chrétiens (…) nous avons pensé qu’il fallait aussi étendre immédiatement notre indulgence à leur égard, afin qu’à nouveau ils puissent être chrétiens et rebâtir leurs lieux de réunion à condition de ne rien faire contre l’ordre établi. »

Lactance (vers 260-325 ap. J.-C.), De la mort des persécuteurs, 34
cité par Meslin-Palanque, Le Christianisme antique, A. Colin, 1970

La lettre de Milan (313 ap. J.-C.)

« Ayant en vue tout ce qui intéresse l’utilité de la sécurité publique, nous pensons que, parmi les autres décisions profitables à la plupart des hommes, il faut en premier lieu placer celles qui concernent le respect dû à la divinité et ainsi donner, aux chrétiens comme à tous, la liberté de pouvoir suivre la religion que chacun voudrait, en sorte que ce qu’il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice à nous même et à tous ceux qui sont placés sous notre autorité.
De plus [en ce qui regarde les chrétiens], voici ce que nous croyons devoir décider : s’il apparaît que ces mêmes locaux où ils avaient auparavant l’habitude de se réunir (…) ont été achetés antérieurement (…), on devra les restituer aux chrétiens sans paiement et sans aucune exigence d’indemnité en évitant toute tromperie et toute équivoque. »

Lactance (vers 260-325 ap. J.-C.), De la mort des persécuteurs, 48
cité par Meslin-Palanque, Le Christianisme antique , A. Colin, 1970

La loi sur le repos du dimanche

« Que tous les juges, que les habitants des villes, que les bureaux de toutes sortes se reposent le jour vénérable du soleil. Toutefois, à la campagne, ceux qui cultivent les champs peuvent travailler librement, comme ils le veulent ; en effet, il arrive souvent qu’on ne puisse pas semer le blé ou planter la vigne un autre jour, et que le beau temps, accordé un moment par la providence céleste, ne dure pas.
Fait le 5 des nones de juillet, les Césars Crispus et Constantin étant consuls. »

Loi de Constantin du 3 juillet 321 ap. J.-C.,
dans le Code Justinien (529 ap. J.-C.), 111, 12, 2.

Un conflit entre l’empereur et un évêque

« Vers le même temps la ville de Thessalonique fut la cause d’une grande tribulation pour l’évêque, quand il eut appris la destruction presque totale de cette ville. L’empereur, en effet, lui avait promis de pardonner aux citoyens de cette ville, mais les comtes agirent secrètement avec l’empereur, à l’insu de l’évêque, et la ville fut livrée au glaive pendant trois heures et beaucoup d’innocents furent massacrés. (…) Quand l’évêque connut ce fait il refusa à l’empereur l’accès de l’église et ne le jugea pas digne de se joindre aux fidèles ni de participer aux sacrements, avant d’avoir fait pénitence publique (…) l’empereur eut à coeur de ne pas repousser la pénitence publique. »

Paulin (353-431 ap. J.-C.), Vie d’Ambroise, 24
cité par Meslin-Palanque, Le Christianisme antique, A. Colin, 1970

Le premier ermite connu : Antoine

« Or ce jour là, à l’église, on lut l’évangile et [Antoine] entendit le Seigneur dire au riche : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, donne le aux pauvres et suis moi. » Antoine, persuadé que la lecture avait été faite pour lui, sortit aussitôt de l’église. Il tenait de ses parents trois cents aroures de terre fertile : il en fit cadeau aux gens du village, il vendit tous ses meubles et distribua aux pauvres tout l’argent qu’il en tira (…), il fit d’abord l’apprentissage de l’ascèse devant sa maison et s’astreignit à une discipline sévère, car il n’y avait pas encore en Egypte beaucoup de monastères et Antoine ne savait rien encore du grand désert. Il vécut ainsi près de vingt ans en reclus menant la vie ascétique et ne se montrant pas. »

Athanase (295-373 ap. J.-C.), Vie d’Antoine
cité par Meslin-Palanque, Le Christianisme antique, A. Colin, 1970

Antoine au désert (idem ci-dessus)

« La patrie d’Antoine fut l’Égypte. Il y naquit de parents honorables et riches qui, étant chrétiens, l’élevèrent chrétiennement. (…) Un jour, il entra dans l’église au moment même où on lisait le passage de l’Évangile où le Seigneur disait au jeune homme riche:  » Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne le aux pauvres, puis viens, suis moi et tu auras un trésor dans le ciel. » (…) Antoine distribua alors ses terres à ses voisins. Il vendit ses meubles et donna aux pauvres la somme assez importante qu’il en tira. Antoine se retire dans le désert d’Égypte pendant vingt ans. Là sa foi et sa piété lui donnaient continuellement le mérite du martyre qu’il faisait supporter à son corps, par l’austérité de sa vie. Car il jeûnait toujours et portait en permanence sur sa peau une tunique de poils de chèvre, et par dessus une autre de cuir qu’il ne quitta pas jusqu’à sa mort. Il ne lavait jamais son corps ni ne nettoyait ses pieds (…). »

D’après Athanase, évêque d’Alexandrie (295-373 ap. J.-C.), Vie d’Antoine, 1 et 15 (extraits).

Le Credo du Concile de Nicée en 325 ap. J.-C.

« Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles : en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, né du Père comme Fils unique, (…) Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père par qui tout a été fait, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, Jésus Christ, pour notre salut, s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est remonté aux cieux, d’où il viendra juger les vivants et les morts ; nous croyons dans le Saint Esprit. »