L’historien Pierre Goubert (Saumur, 1915 – Issy-les-Moulineaux -2012) était connu pour sa thèse sur Beauvais et le Beauvaisis ainsi que pour des ouvrages plus faciles d’accès tels que Louis XIV et vingt millions de Français, Paris, Fayard, 1966, 416 p.

[…] Les rues […]étaient rarement pavées, boueuses, étroites, encombrées […] D’année en année, le bailli répétait les mêmes ordonnances de police, interdisant aux Beauvaisiens de faire leurs ordures dans les rues et d’y jeter tant de nuit que de jour ordures et immondices, urines et excréments. En 1665, un règlement enjoignait aux propriétaires de construire des lieux d’aisances mais permettait à ceux qui ne disposait pas d’un espace suffisant de se procurer un récipient et d’aller chaque semaine le vuider en la rivière. Les malheurs des temps ont fait différer l’exécution du règlement. Deux fermiers des boues devaient passer chaque matin avec six tombereaux pour ramasser les immondices. « Il seroit à souhaiter que le règlement soit exécuté » écrivait alors un des secrétaires de l’évêque. Les bouchers jetaient régulièrement à la rue les entrailles et boyaux des bêtes abattues ; rôtisseurs, pâtissiers et poissonniers les imitaient. Des volailles et des porcs erraient, cherchant leur nourriture dans les tas de fumier que chacun entretenait devant sa porte.
On n’utilisait quand même pas les rivières pour la boisson et la cuisson des aliments ; on employait l’eau des puits. Valait-elle beaucoup mieux ? En beaucoup d’endroits, la couche imperméable n’était qu’à quelques pieds au dessous du sol : de douteuses infiltrations devaient l’alimenter […] On raconte que les riches paroissiens de Saint-Sauveur étaient couramment incommodés par l’odeur qui émanait des tombeaux […] Pressés ou mal payés, les fossoyeurs creusaient à peine ; dans le cimetière de Saint-Étienne, mal clos, des chiens et des rôdeurs erraient, des porcs fouissaient, des charrettes passaient …
On a peu de renseignements sur l’hygiène corporelle des Beauvaisiens mais on sait que les étuves du Moyen-Age n’existaient plus. En outre, les évêques ne permettaient pas les bains dans les rivières.


Pierre Goubert, Cent mille provinciaux au XVIIe, Beauvais et le Beauvaisis (1600-1730), Flammarion, 1968, p. 261-264.




Glossaire

Évêque : seigneur de la ville.

Saint-Sauveur : une paroisse (quartier et division religieuse) aisée de la ville.

Bailli : chargé de la police et de l’administration dans un territoire nommé bailliage. Ex : bailliage d’Amiens, de Reims, de Châlons, etc.

Tombereau : charrette.

Étuves : bains publics médiévaux situés dans des auberges et où l’on se rendait nus et en famille.


1. Présentez le document.

2. A quel moment de l’année la peste se diffuse-t-elle dans l’Amiénois ? Quand l’épidémie s’achève-t-elle ?

3. Comment fait-on face à l’épidémie de peste au XVIIe siècle ?

4. Les règlements de police sont-ils respectés ? Pourquoi les étuves médiévales avaient-elles été interdites et détruites ? Quelles peuvent être les conséquences démographiques de tout cela ?

5. Comment le document peut-il éclairer l’historien sur le mécanisme de diffusion des épidémies ?

6. Qu’appelle-t-on « malheurs des temps » ?