Les événements dramatiques du coup d’état militaire  au Chili le 11 septembre 1973 et de la mort d’Allende sont bien connus et documentés. (1)

Le plan qui avait été conçu par les putschistes se mit en marche aux premières heures de ce jour fatidique,  comme prévu. Les principaux chefs militaires occupaient chacun un lieu déterminé de Santiago et communiquaient entre eux par radio. Il se trouve que les enregistrements des échanges radios entre les putschistes ont été conservés et constituent donc des documents historiques essentiels pour l’étude du coup d’état du 11 septembre (2).  Nous en proposons ici un extrait.

L’analyse de ces documents-audio révèle que Pinochet, qui ne s’est joint à la conspiration que deux jours plus tôt,  est reconnu par les généraux et les officiers comme le chef des opérations ; il est informé et c’est lui qui décide en dernier ressort de la conduite à tenir.

De ces quelques échanges pris sur le vif, on constate que les militaires qui ont pris une part active à la préparation du Putsch, – Carvajal, Leigh – s’abstiennent de jugement de valeur sur Allende ; tandis  que Pinochet se laisse aller à tenir des propos qui confinent à l’ignominie contre le président auquel il avait porté un serment de fidélité, moins de trois semaines plus tôt…

Exprime-t-il un sentiment personnel sur Salvador  Allende ? Est-ce la réaction un peu primaire d’un homme qui se sent désormais tout-puissant contre celui auquel il avait été contraint de faire allégeance ? Ou bien Pinochet, par son intransigeance et sa dureté, cherche-t-il à faire oublier à ses collègues que jusqu’au 9 septembre, il s’était tenu à l’écart de la conspiration militaire ? 

(1) version originale des échanges audios du 11 septembre 1973


Extraits des échanges radio.

Pinochet : reddition inconditionnelle. Aucune discussion. Reddition inconditionnelle.

Carvajal : très bien , entendu. Reddition inconditionnelle, on le fait prisonnier, et on lui propose rien de plus que de lui laisser la vie.

Pinochet: la vie et son intégrité physique et on l’envoie aussitôt autre part.

Carvajal : entendu, donc on maintient l’offre de le sortir du pays.

Pinochet : on maintient l’offre de le sortir du pays. Et l’avion s’écrase, vieux, quand il sera en vol! (rires)

Plus loin, sans doute vers 14 h 30 :

Carvajal : Gustavo y Augusto, de Patricio. Il y a une information du personnel de l’école d’infanterie qui est à l’intérieur de la Moneda. Pour la possibilité d’interférences, je vais le transmettre en anglais : they said that Allende committed suicide and is dead now. Dites-moi si vous comprenez.

Pinochet : compris.

Leigh : parfaitement compris.

Carvajal : Augusto, au sujet de l’avion pour la famille, cette mesure ne serait pas urgente, donc. Je pense qu’il n’ y aurait pas urgence à sortir la famille immédiatement.

Pinochet : qu’on le mette dans un cercueil et qu’on l’embarque dans un avion, vieux, avec sa famille. Qu’ils fassent l’enterrement autre part, à Cuba. Sinon, il y va y avoir plus de bordel pour l’enterrement. Celui-là, même pour mourir, il crée des problèmes.

Note : la traduction essaie de respecter au maximum le style parlé.


Version originale des échanges radios (extraits)

Pinochet: -Rendición incondicional, nada de parlamentar. Rendición incondicional.

Carvajal: -Muy bien, conforme. Rendición incondicional en que lo toma preso, ofreciéndole nada más que respetar la vida, digamos.

Pinochet: -La vida y su integridad física y en seguida se le va a despachar para otra parte.

Carvajal: -Conforme, o sea que se mantiene el ofrecimiento de sacarlo del país.

Pinochet: -Se mantiene el ofrecimiento de sacarlo del país… Y el avión se cae, viejo, cuando vaya volando. (risas)

Mas tarde…

Carvajal: -Gustavo y Augusto, de Patricio. Hay una información del personal de la Escuela de Infantería que está dentro de La Moneda. Por la posibilidad de interferencias, la voy a transmitir en inglés: THEY SAY THAT ALLENDE COMMITTED SUICIDE AND IS DEAD NOW. Díganme si entienden.

Pinochet: -Entendido

Leigh: -Entendido perfectamente.

Carvajal: -Augusto, respecto al avión para la familia, no tendría urgencia entonces esa medida. Entiendo que no tendría urgencia sacar a la familia inmediatamente.

Pinochet: -Que lo metan en un cajón y lo embarquen en un avión, viejo, junto con la familia. Que el entierro lo hagan en otra parte, en Cuba. Si no, va a haber más pelota p’al entierro. Si ¡éste hasta para morir tuvo problemas!