Baptisé en mai 1687 à la paroisse Sainte-Marie de Toulon, Félix, Auguste Pèbre, fils d’un modeste capitaine de brûlot, commande des grenadiers du régiment d’Albigeois pour le guet de sa ville puis s’engage dans la marine coloniale pour les Isles du Vent. Il sert à Saint-Pierre de la Martinique puis à la Guadeloupe. « Je vous prie de […] favoriser mon cousin Pebre Damphoux issu de Margueritte de Vintimille» écrit le comte du Luc le 30 mai 1715 au ministre de la Marine. Cette protection de l’ancien ambassadeur extraordinaire de Louis XIV vaut à Pèbre d’être nommé enseigne. Tout le reste de son dossier de carrière montre comment un noble provençal, peu connu de la cour, dans le besoin, sans grand relief, valorise au maximum ses relations et sa généalogie pour obtenir promotions et retraite. On trouve ainsi dans son dossier argumentaire une lettre (certifiée conforme) du Grand Condé (17 février 1647), louant les services rendus à son père Henri de Condé par l’aïeul de Pèbre. On peut aussi lire dans ce dossier des échanges avec Hélène de Courtenay, marquise de Beauffremont, laquelle intercède pour l’officier auprès du ministre de la Marine pour lui trouver une nouvelle place ou négocier sa retraite.

Pèbre-Damphoux semble quelque peu piégé aux îles du Vent où il fait souche avec d’autres membres de sa famille, s’installant au quartier du Grand Cul de Sac Marin (actuelle Sainte-Rose de Guadeloupe). La lenteur de son avancement s’explique selon lui par l’oubli dont il est victime en raison de son éloignement, voire des intrigues de concurrents malveillants. S’il lui semble naturel d’invoquer ses glorieux ancêtres et ses protections pour justifier de ses prétentions, il ne semble pas avoir brillé de façon exceptionnelle, dans une société où la naissance prime sur la compétence. Celle-ci est d’ailleurs invoquée a contrario et comme une circonstance atténuante dans une note ministérielle expliquant le manque de relief de sa carrière. Informé des vacances de postes, Pèbre-Damphoux ne parvient pas à obtenir ceux qu’il convoite avec l’appui d’Hélène de Courtenay ou de François de Beauharnais. Il semble que sa santé soit devenue un handicap de carrière sans qu’on sache s’il s’agit d’une blessure ou de fièvres. Il sollicite alors une retraite de 540 livres annuelles et l’ordre de Saint-Louis mais finit, grâce à ses appuis, par en obtenir le double.

Chef d’une famille nombreuse et propriétaire endetté de plusieurs esclaves, Félix Pèbre meurt Pèbre-D’Amphoux de Rocbrune, seigneur de Vachière et capitaine des troupes, en 1765 à Sainte-Rose de Guadeloupe. Alors que l’homme a passé sa vie à justifier sa noblesse en prouvant sa parenté maternelle avec les comtes de Vintimille, sa petite-fille Toinette, née Pèbre-Damphoux de Rocbrune, épouse aux îles un bourgeois de Valence. L’un des enfants de cette union épouse son tour une (son?) ancienne esclave, Ezulna, à qui un officier d’état-civil a octroyé à l’abolition le patronyme Ulnata.

 


Lettre d’Hélène de Courtenay à Félix Pèbre-Damphoux, fin 1758 à propos du marquis de Rouillé

« Le nouveau ministre Monsieur est un éxelant home a ce que je crois mais persone ne peut parvenir a en rien obtenir le luy ait parler de vous le luy en ait écrit nombres de fois je nait pu en rien obtenir et jen suis peut contente aussy par raport a mon fils, il dit ne rien trouver

Dans les mémoires de M. de Maurepas qu’il vous destinoit une retraitte et quil ce faisoit un devoir de suivre ces idees, le luy ait parler asser seichement pour vous pouvoir [illisible] que mon credit aupres de luy est nul. Néamoins le luy ecris [illisible] en luy envoyant votre lettre dont je vous envoyerrer la réponce recever mes regrets et soyez persuaderque je suis tres sincerement votre tres humble etres obbéissantte Helene de Courtenay Beauffremont

je fais milles remerciments amis a Me votre fame et a messieurs vos fils.

Pèbre Damphoux au ministre de la Marine Rouillé (avant août 1758)

Votre grandeur a eu la bonté d’écrire à Mme de Beaufremon1, que sy ma senté me mettoit dans le cas ou demendé ma retraite que Vous me la prôcuriér la plus honorable qu’il dependroit De Vous, depuis 8 ans Je me trouve Fort incomodé sans pouvoir recouvrir ma senté ordinaire Ce qu’il m’aublige Monsieigneur De Vous demender la permission de me Rétirer du service avec les honneurs privillege attaché a mon Employ ave la demie Solde de Capitaine Est la Croix de St-Louis, comme Touttes les Graces du Roy son Entre Vos Mains J’espere Monseigneur que vous m’acorderé ma retraite, avec les avantage que j’ay l’honneur de vous demendé

Jay lhonneur D’etre avec Un tres profond respect De votre Grandeur.

Votre humble Et tres obéissant serviteur.

Pebredamphoux

Note ministérielle non datée

[…] Avec la croix de St-Louis et ses appointements qui sont de 1080 livres par an.

Le Chevalier de Beauffremont, chef d’escadre dans l’armée navale son parent – supplie également sa majestéde lui vouloir bien accorer ce traitement.

Cet officier sert depuis 1715. Qu’il a été fait enseigne, il a été fait lieutenant en 1723., Il est capitaine depuis le premier janvier 1738., il n’est pas à son aise et il a une famille nombreuse. Si Sa majesté veut bien étendre lagrace qu’elle a déjà faite au sieur Pebre D’Amphoux de la Croix de St Louis ave Ses appointements pour retraite, on donnera les ordres en conséquence à l’intendant des îles du vent.

Annotation : bon

De par le Roy,

Il est permis au sieur Pèbre Damphoux Capitaine d’infanterie dans les troupes entretenues aux Isles du Vent de se retirer deceService que sa santé ne lui permet pas de continuer

Et sa majesté voulant lui donner des marques Delasatisfaction qu’elle a dela maniere dont il a Rempli ses Differents Employes qui lui ont Etés confiés, Elle lui accordé la Jouissance SaVie durant des apointements de Mil quatrevingt Livres, attachés a sondit grade de Capitaine.

Faitte a Versailles le 25e aoust 1758 signé Louis.

Sources : Secrétariat d’État à la Marine – Personnel colonial ancien – ANOM, Aix-en-Provence, COL E 332 Damphoux, capitaine

1 Hélène de Courtenay (maison capétienne) (1689-1768), marquise de Bauffremont.