L’abbé Mugnier —–>
« 29 août
Avant-hier, l’abbé M., de Saint-Honoré-d’Eylau, hier M.B., de Saint-Louis-d’Antin, me disaient à peu près ceci : « Nous sommes bien malades … Plus rien ne va dans l’Eglise de France. La médiocrité nous gouverne. Combien de temps cela durera-t-il ? » Le premier de ces deux prêtres allait plus loin et ajoutait : « Les jeunes prêtres n’ont plus la foi. L’édifice dogmatique est ruineux. » Eh ! oui le malaise est général et le pauvre cardinal de Paris s’en va répétant : « Portez la tonsure ! » C’est lugubre. On n’a jamais vu un archevêque remplir aussi bien les fonctions d’ordonnateur de pompes funèbres !
Quant à ma paroisse de Saint-Thomas, elle est en petit de que le diocèse est en grand. Harpagon règne dans la sacristie ; la direction des catéchismes est confiée à des hommes dépourvus de tout enthousiasme : que l’Eglise soit peuplée ou non de fidèles, ce sont toujours les mêmes offices ; aucun renouvellement, nulle réforme, un piétinement sur place. L’égoïsme, l’avarice, l’accaparement des âmes, la légèreté, le succès injustifié, la bêtise des dévots, la vulgarité décorée, voilà ce que je vois ici, depuis l’an de grâce 1881.
Et je ne dis rien du confessionnal, sorte de terrier où la curiosité, l’indiscrétion, le verbiage, la niaiserie se disputent les consciences de quelques femmes hystériques, scrupuleuses, bavardes, désoeuvrées, le dessous du panier. Les femmes et les enfants, tels sont nos fidèles. Le reste de compte pas ou compte peu. Et encore n’avons-nous pas toutes les femmes. Tristia, dirait Ovide ! »
Source : Abbé Mugnier, Journal (1879 – 1939), Paris, Mercure de France, 1985 – 2003, p. 57.