L’empereur Julien a régné de novembre 361 à juin 363. Durant l’hiver 362, alors qu’il réside depuis plusieurs mois dans la cité d’Antioche, Julien rédige un « coup de gueule intemporel » (l’expression est d’ Aude de Saint-Loup dans son Introduction au Misopogon, 2003, VI), le Misopogon ou « l’ennemi de la barbe ».
Texte d’une grande singularité, le Misopogon est l’occasion, pour l’empereur, de régler ses comptes avec les Antiochéens. Julien s’y livre presque entièrement et, alors qu’il évoque son aspect physique et son mode de vie, il offre une courte description de Lutèce dans laquelle il séjourna durant les hivers 357, 358 et 359. De manière purement anecdotique, on relèvera que Julien souligne l’excellente qualité de consommation des eaux de la Seine.
Lutèce d’après l’empereur Julien, Misopogon, 7.
« Il se trouvait que je cantonnais, cet hiver-là, dans ma chère Lutèce : c’est ainsi que les Celtes désignent le fort des Parisiens. C’est une île de faible étendue au milieu du fleuve, et le rempart l’entoure en cercle de toute part; des ponts de bois, partis de chaque rive, y donnent accès. Il est rare que le fleuve baisse ou soit en crue ; en général, il a le même débit en hiver qu’en été et il fournit une eau très agréable et très pure à voir comme à boire si l’on en a envie : de fait, comme on vit dans une île, c’est surtout au fleuve que l’on doit prendre l’eau. L’hiver y est aussi plutôt tempéré, soit en raison de la chaleur venue de l’Océan (il n’en est pas éloigné de plus de 900 stades et parfois une légère brise issue de l’eau se transmet jusque-là, l’eau de mer semblant être plus tiède que l’eau douce), soit donc pour cette raison, soit pour une autre qui m’échappe, tel est le fait. Les habitants de la région ont un hiver plus ensoleillé. Il pousse chez eux une vigne de qualité, et d’aucuns sont déjà parvenus à y avoir des figuiers que l’on abrite, l’hiver, en les habillant, en quelque sorte, avec des paillons de blé ou encore avec tous ces revêtements du même ordre, dont on protège d’habitude les arbres contre les rigueurs de la température ».