Le docteur Gabriel-Claude Villette de Terzé est né le 8 juillet 1800 à Paris. Devenu médecin, il effectue une brillante carrière et se distingue en participant à la création de l’école de médecine de la République du Mexique. Fervent catholique, il est nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur en avril 1844. Il décède le 9 juin 1876.

En 1857, il publie un court ouvrage intitulé La vaccine, ses conséquences funestes démontrées par les faits, les observations, l’anatomie pathologique et l’arithmétique dans lequel il tente de démontrer les effets négatifs, voire mortels de la vaccine, seul moyen à l’époque de lutter contre la petite vérole.

 


 

Ami sincère de la vérité, indépendant par position, impartial par caractère, dévoué à l’intérêt de l’humanité, nous avons étudié à tête reposée, avec toute la réflexion dont nous sommes capable, la grande question de médecine et d’économie politique soulevée de nos jours, relativement à l’influence du vaccin sur la dégénérescence de l’espèce humaine, sur la mortalité et sur la population.

Nous avons, en conséquence, lu tous les écrits publiés par les adversaires de la vaccine, ainsi que les réponses et les objections qui leur ont été faites.[…] Après avoir scrupuleusement étudié, l’acte d’accusation porté contre le vaccin par les vaccinophobes, nous avons reproduit la prétendue réfutation des vaccinomanes […]

Prologue extrait

 

Il est tout à fait inutile de chercher un antidote à cette affection, il n’y en a pas ; il ne peut y en avoir, car, ainsi que nous l’avons vu en traitant la question du germe inné, cette grande crise n’est point une affection pathologique, mais bien une fonction d’épuration physiologique ; fonction douloureuse sans doute, qui n’est pas sans danger, mais qu’il faut subir en cherchant toutefois des moyens thérapeutiques capables de la rendre bénigne.

Il est possible, et tel est l’effet du vaccin, d’entraver son développement pendant un certain laps de temps ; mais on ne peut, on ne doit pas plus rêver la suppression de la petite vérole que la suppression de la seconde dentition chez l’enfant, de la menstruation chez la fille, ou des douleurs de l’enfantement chez la femme.

Or, à une fonction il est impossible de substituer un spécifique, on peut la suspendre pendant quelque temps ; mais, en agissant ainsi contre le vœu de la nature, ce ne peut être qu’aux dépens de l’organisme, et le vaccin n’a pas d’autre action sur la petite vérole. (…)

Les erreurs en médecine ne s’opposent pas seulement au progrès de la science, à la pratique de l’art, elle donne souvent naissance à la routine, qu’il faut ensuite des siècles de lutte pour détruire. Tel est le préjugé que nous cherchons à renverser aujourd’hui en démontrant de la manière la plus évidente la triste influence que la vaccine a eu sur l’espèce humaine dont elle a opéré la dégénérescence physique et morale.

Extraits page 147–150.

 

[…]

VIII – La petite vérole n’est pas une maladie, c’est une crise physiologique.

IX – La vaccine est un délit commis contre la nature.

X- La vaccine amoindrit chez l’homme, les avantages dont le créateur l’a doué en naissant : la force, la santé et les facultés intellectuelles.

XI- Toute action artificielle, est suivie d’une réaction naturelle, s’il en était autrement, la création serait à la merci de la créature, rêve absurde plus encore qu’impie. […]

XV – On a toujours considéré l’homme comme le chef-d’œuvre de la création. Or celui qui a eu la malencontreuse idée de le perfectionner en greffant sur lui le virus d’un cheval ou d’une vache, ne ressemble-t-il pas un barbouilleur qui voudrait corriger un tableau de Raphaël. […]

XVII – La vaccine a fait plus d’aveugles que la petite vérole n’a fait de borgnes. […]

 

Maximes et aphorismes, pages 151-154, extraits


Commentaires :

  • Depuis sa mise au point par Jenner, la pratique vaccinale n’a cessé de rencontrer des résistances. En Europe, chez les Chrétiens, la position n’est pas uniforme. Pour les uns, la vaccine est vue comme la réalisation d’une promesse et la traduction de l’intelligence donnée par Dieu aux hommes pour protéger la vie des individus. Pour les autres, elle est une aberration contraire à la nature et/ou à la volonté divine. Parmi les arguments développés par les « antivax » du moment, circule la thèse de la minotaurisation selon laquelle les personnes ayant subi la vaccine développeraient des caractéristiques animales, ici celle de la vache. Cette ligne directrice, qui suppose une transformation physique des individus par l’injection de la vaccine, est reprise actuellement par des opposants au vaccin (dont des médecins) contre le Covid 19 utilisant la technique de l’ARN Messager, ce dernier étant accusé à tort de modifier l’ADN des individus. 
  • Le Docteur Claude-Gabriel Villette de Terzé, membre éminent du corps médical sous le Second Empire, se situe dans le camp des médecins conservateurs. À sa décharge, nous pourrions signaler qu’en 1857 les lois de l’immunologie sont encore mal connues. Pourtant, les résultats obtenus par la vaccine au milieu du XIXème siècle sont sans appel en termes d’efficacité pour lutter contre la maladie, ce qu’il ignore délibérément.
  • Dans la première partie de sa publication, l’auteur s’attache avant tout à décrédibiliser Edward Jenner. La suite est une compilation d’idées reçues, de règlement de comptes avec le Docteur Bertillon et  de refus de prendre en compte les statistiques démontrant les avantages de la vaccine, tandis que la petite vérole est interprétée de manière erronée et conservatrice comme étant une maladie inhérente (« physiologique« ) à l’Homme. En prime, il se livre à une manipulation des statistiques démographiques de la première moitié du XIXème siècle.
  • Villette de Terzé n’est pas un complotiste au sens moderne du terme car il n’accuse pas un groupe de comploter de manière explicite. Mais il utilise certains mécanismes qui se sont imposés au fil du temps : il dénonce des statistiques manipulées (et qu’il manipule), de fausses démonstrations, des institutions aveugles… Sûr de son savoir (pourtant en train d’être dépassé) et de sa position sociale, il n’adopte aucune méthode critique ou comparative puisqu’il ne fait que marteler des certitudes.
  • L’utilisation d’aphorismes et de maximes sont là pour marteler un message facile à retenir, afin de cibler plus facilement le lectorat et le convaincre sans qu’il ait besoin de réfléchir.
  • Les « antivax » du XIXème siècle sont moqués par les caricaturistes qui n’hésitent pas à dénoncer leurs prises de position. Ainsi, le caricaturiste anglais James Gillray [1756-1815] n’hésite pas à représenter le ridicule des propos tenus par les opposants à la vaccination qui entretiennent la peur des individus de devenir une vache quand on les vaccine, et jouent de l’ignorance scientifique et de la crédulité des populations.

 

James Gillray « The cow-pock – or – the wonderful effects of the new inoculation ! » – caricature de 1802

Bibliographie indicative :

  • Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud Antivax – La résistance aux vaccins du XVIIIème siècle à nos jours, Paris éditions Vendémiaire, 2019, 351 pages.
  • Françoise Salvadori La longue histoire des résistances à la vaccination, 1er avril 2020, disponible en ligne ICI