Polybe (200-118 avant J.C) est un historien grec né à Mégalopolis. Militaire, il est désigné, après la victoire de Paul Émile à Pydna (168), comme otage devant être amené à Rome. Polybe devient alors un proche de Scipion Émilien qu’il accompagne dans ses différentes campagnes.
Auteur de nombreux ouvrages (dont une grande partie est perdue), Polybe est surtout connu pour ses Histoires qui étaient composées de quarante livres. Grand thuriféraire de la puissance romaine, il cherche à expliquer comment Rome s’est imposée au reste du monde.
Dans l’extrait ci-dessous, Polybe dresse un sombre tableau des raisons qui, selon lui, mènent à la déliquescence et à la mort du système démocratique.
« La constitution se trouve transformée d’oligarchie en démocratie et le soin et la responsabilité des affaires publiques reposent sur eux-mêmes. Or tant que subsistent encore des gens qui ont fait l’expérience des excès du pouvoir personnel, on se satisfait de l’ordre établi et l’on attache le plus grand prix à l’égalité et à la liberté civiques. Mais quand une génération nouvelle arrive encore et que la démocratie, cette fois, passe aux mains des petits-enfants de ses fondateurs, alors l’accoutumance réduit l’importance qu’on porte à l’égalité et à la liberté civiques ; le but, c’est de l’emporter sur la masse ; les plus riches surtout donnent dans ces sentiments. En outre, lorsque les gens commencent à se passionner pour le pouvoir sans parvenir à l’obtenir par eux-mêmes et grâce à leur valeur personnelle, ils dissipent leur patrimoine, en employant tous les moyens pour appâter et corrompre les masses. En conséquence, une fois que sous l’empire de cette soif insensée de gloire, ils ont rendu le peuple vénal et assoiffé de cadeaux, c’est désormais le tour du système démocratique d’être détruit, et l’on passe de la démocratie au régime de la violence et de la force brutale. Car ainsi habitué à dévorer le bien d’autrui et à compter pour vivre sur les ressources du voisin, quand le peuple se trouve un chef fier et entreprenant que sa pauvreté exclut des honneurs publics, alors il institue le régime de la force brutale, alors il rassemble, il massacre, il proscrit, il redistribue les terres jusqu’à ce qu’il retombe au niveau de la bête féroce et retrouve un maître et un monarque ».
Polybe, Histoires, VI, 3-9.