Comme nous l’avions évoqué dans un article précédent, les débuts de la Troisième République furent un moment-charnière pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie au collège et au lycée. Le contexte dramatique de la défaite de 1870 et de l’occupation prussienne fut propice à un examen des forces et des faiblesses de l’enseignement en France.

Le ministre de l’instruction publique et des cultes Jules Simon, nommé en septembre 1870, (voir article précédent Y ici), commanda un rapport sur l’état de l’enseignement de l’histoire et de la géographie dans le pays, rapport qui lui fut remis le 3 septembre 1871.

Dans l’extrait proposé, les deux auteurs du rapport tentent d’évaluer le niveau professionnel des professeurs d’histoire et de géographie et proposent quelques pistes pour améliorer leur formation. L’extrait porte sur les « professeurs spéciaux d’histoire dans les lycées », c’est à dire la catégorie de professeurs censée être la plus qualifiée et la mieux formée.

On remarquera qu’ils insistent pour la formation initiale sur l’importance du concours de l’agrégation (le CAPES n’existait pas encore) et qu’ils encouragent les enseignants à devenir des spécialistes en passant leur doctorat. Ils encouragent aussi les professeurs à ne pas se contenter du manuel : « Un professeur qui n’a appris l’histoire que dans les précis, ne domine pas son sujet ; sa science a exactement les mêmes limites que celle des élèves, et, comme ceux-ci ne tardent généralement pas à s’en apercevoir, son autorité morale est moindre qu’elle ne devrait être ».

Enfin, les deux auteurs du rapport constatent que la géographie est un parent pauvre de l’enseignement secondaire, carence dont la défaite de 1870 a permis de prendre conscience : « un certain nombre de proviseurs et de professeurs [ayant] commencé à faire des efforts pour relever cette branche de notre enseignement public ».


[…]

Personnel

Le personnel de l’enseignement historique et géographique comprend cinq catégories distinctes :

Les professeurs spéciaux d’histoire dans les lycées ;

Les professeurs de grammaire ;

Les professeurs de l’enseignement spécial ;

Les maîtres élémentaires ;

Les professeurs de collèges.

1 °. Les professeurs spéciaux dans les lycées ont en général une assez solide instruction. Cependant, dans cinquante-trois lycées, nous n’avons trouvé que vingt-quatre professeurs qui fussent agrégés d’histoire, et, parmi les agrégés, qu’un seul docteur. Il devrait en être autrement : le titre d’agrégé est une garantie de savoir que presque tous devraient successivement obtenir, et, une fois agrégé, un bon professeur devrait travailler à son doctorat, de manière à apprendre par expérience, en étudiant lui-même à fond certaines questions, les méthodes de la recherche et de la composition historiques. Un professeur qui n’a appris l’histoire que dans les précis, ne domine pas son sujet ; sa science a exactement les mêmes limites que celle des élèves, et, comme ceux-ci ne tardent généralement pas à s’en apercevoir, son autorité morale est moindre qu’elle ne devrait être. Nous avons vivement engagé tous les professeurs non agrégés et encore jeunes à préparer leur agrégation, et nous avons encouragé tous les professeurs agrégés qui nous ont entretenus de leurs projets de thèse, à persévérer dans cette entreprise. Mais, quelle que soit l’importance du titre de docteur, nous regarderions comme profondément regrettable que le doctorat devînt un moyen d’éviter les épreuves de l’agrégation et donnât entrée dans les facultés à des professeurs qui, n’ayant pas d’ailleurs acquis une célébrité incontestable dans les lettres, n’auraient pas suffisamment fait leurs preuves dans l’enseignement secondaire.

La grande majorité des professeurs d’histoire savent leurs cours d’histoire, soit qu’ils les aient appris seulement dans les précis, soit qu’ils aient fait sur certains points des études plus sérieuses et qu’ils aient préparé leurs leçons à l’aide des sources et des bons auteurs. Peu savent la géographie et ont l’art d’intéresser leurs élèves à cette étude. Nous n’avons guère rencontré que sept professeurs qui comprissent réellement l’importance de cette science. Cependant, cette année, durant le cours de notre inspection et même avant qu’il en fût parlé, sous la seule inspiration des événements, un certain nombre de proviseurs et de professeurs ont commencé à faire des efforts pour relever cette branche de notre enseignement public : il appartient à l’administration centrale de soutenir cette bonne volonté. […]

EXTRAIT DURAPPORT GÉNÉRAL SUR L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE ET DE LA GÉOGRAPHIE ADRESSÉ À M. LE MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES PAR MM. E. LEVASSEUR, MEMBRE DE L’INSTITUT ET A. HIMLY, PROFESSEUR À LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS, 3 septembre 1871)

Pour lire l’intégralité du rapport, cliquer Y Ici