Egypte : la construction des pyramides.

Vous trouverez ce texte au format pdf avec des dessins explicatifs (pour impression).

Textes extraits de : SILIOTTI, Alberto, Pyramides : Guide des meilleurs sites, Paris, Gründ, 2005 (1e éd. 1997), p. 40-45.

« Parmi les nombreux bas-reliefs illustrant des moments et des aspects de la vie quotidienne pendant l’Ancien Empire, il ne se trouve aucune référence à la construction d’une pyramide qui, probablement, est considérée comme un événement unique, ne pouvant donc être reproduit. Ainsi, puisqu’aucun document n’illustre les techniques utilisées, on est réduit à formuler des hypothèses basées, néanmoins, sur des données objectives et des indices recueillis sur le terrain.

Les peintures et les bas-reliefs présents dans certaines tombes, surtout du Nouvel Empire, donnent des informations sûres sur les techniques utilisées pour la préparation des briques crues, pour la sculpture des statues de grandes dimensions, le déplacement de grands blocs grâce à des plans inclinés, et on peut supposer que de telles techniques ne sont pas très différentes de celles employées antérieurement, pendant l’Ancien Empire. De plus, de nombreux outils ont été mis au jour ; marteaux et asses en bois, burins en bronze ou en cuivre, pics en pierre avec des manches en bois, instruments de mesure. Ils donnent une idée de la façon de travailler et des techniques adoptées par les constructeurs antiques qui, à l’évidence, disposent aussi de connaissances mathématiques et géométriques de haut niveau comme le prouvent – outre la précision mise en évidence dans leurs constructions – les sources écrites. De fait, le British Museum conserve un célèbre papyrus mathématique dit « papyrus de Rhind », daté de la deuxième période intermédiaire, exposant une série de problèmes d’arithmétique ou de géométrie du type suivant : « Une pyramide mesure 93 coudées et 1/3 de hauteur. Quel est l’angle d’inclinaison si la hauteur de la face est de 140 coudées ? ». L’étude de ce papyrus a notamment mis en évidence le fait que les Egyptiens connaissent et appliquent le théorème de Pythagore, bien qu’ils ne l’aient jamais théorisé ni énoncé. Les mesures sont basées sur une unité de grandeur appelée « coudée royale » de 0.524 m, constituée de 7 palmes (une palme correspondant environ à 7.5 cm), elles-mêmes subdivisées en 4 doigts équivalent chacun à environ 1.87 cm. Pour exprimer l’inclinaison d’une ligne, on a recours au concept de sekhed, défini comme la distance horizontale de l’inclinaison exprimée en palmes et en doigts, alors que la hauteur équivaut à une coudée royale.

Au cours de la construction, les architectes se servent d’instruments simples mais efficaces pour vérifier les directions et les angles d’inclinaison tels l’équerre, le bay, court fil à plomb, et le merkhet, instrument fait d’un bâton de bois, muni d’une encoche en V permettant l’observation d’un objet. L’unique récit sur les méthodes et les techniques de construction des pyramides vient d’Hérodote (Histoire, II, 124-135) où, cependant, outre une série d’affirmations fantaisistes et bien peu crédibles, on trouve des informations probablement plus proches de la réalité et qu’il faut prendre en considération. Selon Hérodote, cent mille personnes travaillèrent pendant vingt ans à la construction de la pyramide de Khéops et dix s’écoulèrent auparavant pour préparer le terrain, les structures portuaires (môles, quais, etc.), la rampe et les chambres souterraines. L’affirmation d’Hérodote sur le nombre d’années nécessaires à la construction est crédible, alors que le nombre de personnes employées dans cette tâche est totalement erroné. Selon Petrie, l’opération doit tourner autour de 5 000 à 6 000 hommes, 15 000 à 17 000 selon G. Goyon et jusqu’à 30 000 pour certains auteurs.

Dans le cadre de cet ouvrage, il n’est pas possible d’entrer dans le détail des modalités et des techniques de construction des pyramides, ni d’examiner les nombreuses hypothèses formulées en ce domaine. Nous nous contenterons ici de décrire les étapes importantes et de nous référer aux deux principales théories élaborées pour expliciter les modes de construction.

Après avoir déterminé la position, préparé un projet tenant compte des principaux paramètres (longueur du côté, hauteur prévue, angle d’inclinaison des faces), on détermine avec merkhet l’orientation de la pyramide, tout en tenant compte de l’alignement avec les autres pyramides ou avec des lieux considérés comme sacrés. Il faut céder ensuite à la préparation du terrain et à son aplanissement, à la préparation des blocs de calcaire local utilisés comme bases. Dans le même temps, d’autres équipes bâtissent un « port de la pyramide » sur un canal, dérivé à dessein du Nil, pour servir de voie de communication avec les nécropoles, préparant les quais et les môles destinés à l’accostage des barques chargées de blocs au pied du chantier. Celui-ci est donc immédiatement relié aux structures portuaires par une ou plusieurs rampes, grâce auxquelles les traîneaux chargés de blocs peuvent facilement parvenir jusqu’à la construction.

Parallèlement, des équipes de carriers sont au travail dans les grandes carrières de calcaire de Toura, localité située sur la rive opposée du Nil, entre l’actuel quartier cairote de Maadi et Helwan, célèbre pour la qualité de son calcaire clair, le revêtement de presque toutes les pyramides. Sur le terrain, les positions exactes des côtés et des angles de la pyramide sont marquées, après avoir déterminé avec précision le nord astronomique identifié grâce à l’observation de la Grande Ourse que les Egyptiens appellent meskhetiou ou « cuisse de boeuf » et de la constellation sah correspondant à Orion.

Pour la pyramide de Khéops, le nord a été déterminé avec un décalage de seulement 3’6 ». C’est alors qu’est célébrée la cérémonie de fondation : le roi, après avoir planté des piquets correspondant aux angles, accomplit le rite pedj shes, attesté dès la IIe dynastie, consistant à tendre une corde entre les piquets d’angle. La purification du site effectuée, le souverain dépose des amulettes et autres objets rituels dans une petite fosse (« dépôt de fondation ») et ordonne, enfin, la mise en place du premier bloc de pierre. Les travaux proprement dits commencent alors. Ils sont exécutés par diverses équipes – dont on a retrouvé des noms gravés sur quelques blocs de la pyramide de Khéops – qui préparent le noyau de la pyramide, plaçant les pierres d’angle et les blocs de revêtement, et construisent les appartements funéraires et les rampes permettant de transporter les blocs de calcaire jusqu’au sommet de la pyramide.

Les innombrables théories avancées pour expliquer le mode de construction de rampes, sur lesquelles on ne sait rien de précis, peuvent être subdivisées en deux groupes principaux : celles qui voient l’adoption d’une rampe rectiligne perpendiculaire sur l’un des côtés et celles qui conçoivent une rampe hélicoïdale. Chaque théorie a fait l’objet d’un très grand nombre de variantes et est soutenue par une argumentation valable. On en a récemment proposé une autre très plausible selon laquelle ont d’abord été utilisées de nombreuses rampes de petites dimensions, disposées autour de la pyramide, aboutissant à une unique rampe rectiligne appuyée contre un côté de la pyramide.

Le matériau de construction des rampes n’est pas connu, même si, pour des raisons diverses, il s’agit probablement de briques crues renforcées par des troncs de palme. En revanche, nous savons avec certitude, dans la mesure où ces procédés sont reproduits sur les bas-reliefs de tombes de l’époque, que les grands blocs en calcaire constituant la masse de la pyramide sont hissés sur les rampes par des traîneaux en vois dont les patins sont lubrifiés pour faciliter le glissement. Afin d’expliquer le levage des blocs, on a supposé l’usage, hormis les leviers, de machines dont parle d’ailleurs Hérodote (Histoire, II, 125) comme « la machine de Croon », ou des appareils de levage oscillants dont des modèles ont été trouvés dans des tombes du Nouvel Empire. Une fois que les gros blocs de calcaire sont mis en place, on applique le revêtement final en calcaire de Toura, qui n’est visible désormais qu’au sommet de la pyramide de Khéphren. Un pyramidion, monolithe en granit ou en basalte, est placé au sommet de la pyramide. Selon les calculs, il semble que celui qui couronne la pyramide de Khéops devait peser environ sept tonnes.

Récemment, un architecte français, Pierre Crozat, a proposé une nouvelle et intéressante théorie qui, bien qu’elle doive encore être vérifiée sur le terrain, jette une lumière nouvelle sur une technique ayant pu être utilisée par les constructeurs de pyramides, tout en expliquant quelques passages restés jusqu’ici obscurs dans le texte d’Hérodote. Cette hypothèse est dépourvue du point faible caractérisant les théories jusqu’alors proposées suggérant la construction de grandes rampes, rectilignes ou tournantes, à savoir la nécessité de les démolir en se débarrassant de milliers de mètres cubes de matériaux. Selon la théorie de Crozat, dont nous voulons seulement rendre compte puisqu’il n’est pas question ici d’approfondir, les pyramides sont construites selon un simple système de développement à partir d’un noyau central alors que les rampes, rectilignes, sont uniquement utilisées pour hisser les plus gros blocs dans les parties élevées et sont donc englobées dans le corps même de la pyramide. »

Les constructeurs des pyramides et les cités des pyramides

« La précision avec laquelle sont édifiées les pyramides nous indique que, en plus des catégories spécifiques comme les astronomes, les géomètres, les architectes et les contremaîtres, des ouvriers spécialisés sont aussi à l’œuvre, auxquels s’ajoute une simple main-d’œuvre constituée – contrairement à ce que rapporte Hérodote – de paysans et non d’esclaves. Ces prestations sont probablement obligatoires, mais le travail est rétribué par de la nourriture et des boissons. Les conditions de vie sur le chantier de la pyramide sont assurément difficiles et dangereuses, du fait même des masses de pierre déplacées, mais les ouvriers reçoivent, trois fois par jour, des rations de nourriture et, tous les dix jours, bénéficient d’un jour de repos.

On sait encore peu de chose sur l’organisation sociale de cette communauté de travailleurs, résidant probablement dans des installations situées à proximité du chantier dites « cité des pyramides », dont ont récemment été mis au jour un mur en basalte, à 2.4 km à l’est de la pyramide de Khéops, ainsi que la nécropole, située à une centaine de mètres au sud de la pyramide. Les nombreuses tombes découvertes, une soixantaine actuellement, appartiennent en grande partie aux contremaîtres et à des personnages occupant des postes relativement importants au sein du chantier ; leur étude ouvrira probablement de nouvelles perspectives sur cet aspect, encore trop peu connu, de l’organisation du travail pendant l’Ancien Empire. »

 

QUESTIONNAIRE pour les élèves
La construction des pyramides égyptiennes

 

Réponds aux questions suivantes par des phrases complètes en te servant des texte « La construction d’une pyramide » et « Les constructeurs des pyramides et les cités des pyramides ».

1. Donne deux exemples d’outils utilisés au cours de la construction des pyramides :

 

2. Quels sont les instruments servant à vérifier les angles d’inclinaison et les directions de la construction ?

 

3. Selon Hérodote, combien d’années au total furent nécessaires à la préparation du terrain et à la construction de la pyramide de Khéops? Ce nombre est-il réaliste ?

 

4. Quel est le rôle du canal dérivé du Nil dans la construction des pyramides ?

 

5. Cite les deux constellations dont se servaient les Egyptiens pour déterminer la direction du nord.

 

6. Le texte dit que pour la pyramide de Khéops, « le nord a été déterminé avec un décalage de seulement 3’6 » ». D’après toi, que peut signifier cette affirmation ?

 

7. A quoi servaient les rampes dans l’édification des pyramides ?

 

8. Enonce les deux principales théories du mode de construction des rampes.

 

9. Qu’est-ce qu’une rampe hélicoïdale ?

 

10. Pourquoi la théorie de Pierre Crozat sur la construction des pyramides est-elle intéressante ?

 

11. La main-d’œuvre servant à la construction des pyramides était-elle esclave ? Justifie ta réponse.