Science et expérience

Léonard de Vinci commença ce traité en 1490, mais ne l’acheva pas. Il ne fut publié, partiellement, qu’au XVIIe siècle.

« Pour en acquérir une connaissance juste et complète, j’ai disséqué plus de dix cadavres, en détruisant tous les autres éléments, en enlevant jusqu’aux plus petites particules de la chair qui entourait ces veines, sans autre saignement que celui, tout imperceptible, des veines capillaires. Un seul cadavre ne durait pas assez longtemps ; il fallait procéder avec plusieurs, par degrés, pour arriver à une connaissance complète

Malgré tout ton amour des recherches, tu peux en être éloigné par la nausée – si elle ne t’en éloigne pas, par la peur de passer les heures de la nuit en compagnie de ces cadavres découpés, écorchés et horribles. Et si cela ne t’en éloigne pas, peut-être n’auras-tu pas le don graphique nécessaire pour l’interprétation figurée. Et si tu sais dessiner, peut-être te manquera-t-il la connaissance de la perspective ; et si tu l’as, le sens des exposés mathématiques et la méthode pour calculer les forces et l’énergie musculaire, ou peut-être est-ce la patience qui te manquera, et tu ne seras pas diligent. »

In Léonard de VINCI, Traité de la peinture, « De l’anatomie ».

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La dissection selon Vésale

L’anatomiste flamand Vésale (1514-1564) est un des premiers à avoir pratiqué des dissections autorisées par l’Eglise depuis seulement un siècle.

« Bientôt les troubles de la guerre m’obligèrent de rentrer à Louvain, où, depuis dix-huit ans, les médecins n’avaient même plus songé à l’anatomie.

Pour me rendre utile aux étudiants de l’Université et me perfectionner moi-même dans une branche très peu connue, mais selon moi, avant tout autre nécessaire à l’ensemble de la médecine, j’exposai la structure de l’organisme humain, en illustrant mon cours de dissections. »

In André Vésale, De la construction du corps humain, 1543.

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La médecine selon Paracelse (1493-1511)

« Je me suis souvent rendu compte que la médecine est un art incertain et hasardeux, et qu’il est rarement honorable de le pratiquer. Car il en guérit un quand il en tue dix… J’ai souvent abandonné la médecine pour me consacrer à autre chose, mais j’y suis toujours revenu. Alors, je me suis rappelé les paroles du Christ : c’est le malade qui a besoin d’un docteur, et non celui qui est en bonne santé (…). Voici mon voeu : parfaire l’art de la médecine et ne jamais m’écarter de ce but. Aussi longtemps que Dieu me le permettra, m’opposer à tous les enseignements erronés. Puis, aimer les malades, en général et en particulier, plus que s’il s’agissait de mon propre corps. Ne porter aucun diagnostic superficiel, mais les baser sur des symptômes précis. N’administrer aucune médecine sans avoir compris. Ne réclamer aucun argent sans l’avoir mérité. Ne croire aucun apothicaire et ne faire aucune violence à un enfant. Ne pas deviner, mais savoir. »

In Paracelse (1493-1541), Paragranum.

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Les découvertes empiriques d’un chirurgien

Ambroise Paré (vers 1509-1590) est considéré comme le premier chirurgien moderne.

« Je pris la hardiesse, suivant le commandement de notre Art, de lui couper le bras par la jointure du coude, et, en premier lieu, je lui liais étroitement le bras au-dessus du coude et commençais l’amputation, incisant les ligaments qui joignent les os. Il ne se faut ébahir de telle amputation, car Hippocrate*, en la quatrième section de son livre des Articles, la recommande (…). Mon incision faite, malgré la ligature, il survint un grand flux de sang, à cause des vaisseaux qui sont en cette partie ; j’arrêtais le sang avec les cautères** actuels. »

In Ambroise Paré, Œuvres, 1598.

* Hippocrate est un médecin grec de l’Antiquité.

** Tiges métalliques chauffées utilisées pour cicatriser une plaie ou détruire une partie du corps malade.

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Une intervention chirurgicale

 » Le duc d’Ascot envoya au roi un gentilhomme… pour le supplier… de me permettre d’aller voir le marquis d’Auret, son frère, qui avait reçu un coup d’arquebuse près du genou, avec fracture. Il y avait environ sept mois que les médecins et les chirurgiens se montraient incapables de le guérir. (…) Dès mon arrivée, je visitai le blessé, le trouvai avec une grosse fièvre, les yeux enfoncés, un visage de moribond (…) Il fallait ouvrir pour donner issue à la sanie retenue entre les muscles. On commença par changer le malade de lit et lui donner une chemise et des draps propres. (…) Je lui fis trois ouvertures dans la cuisse, desquelles sortit une grande quantité de boue. Deux ou trois heures après, on l’installa dans un autre lit. Les jours suivants je lui fis des injections au plus profond de la cavité des ulcères … je le bandais si adroitement qu’il ne ressentit aucune douleur ; sa fièvre commença à diminuer. Je lui fis alors boire du vin mêlé d’eau sachant qu’il restaure et vivifie les forces. »

In Ambroise PARÉ, Voyage en Flandres, (hiver 1569-1570).