Une démarche scientifique

« En assumant les mouvements que, dans l’ouvrage suivant, j’attribue à la Terre, j’ai finalement trouvé, après de longues et soigneuses recherches, que lorsqu’on rapporte les mouvements des autres planètes à la circulation de la Terre, et qu’on les calcule pour la révolution de chaque étoile, non seulement les phénomènes s’ensuivent nécessairement de là, mais encore l’ordre et la grandeur des étoiles et tous leurs [orbites] et le ciel lui-même sont si liés ensemble que dans aucune partie on ne peut rien transposer sans confusion pour le reste et tout l’univers. C’est pourquoi nous n’avons pas honte de soutenir que tout ce qui est au-dessous de la Lune, avec le centre de la Terre, décrit parmi les autres planètes une grande orbite autour du Soleil, qui est le centre du monde; et que ce qui paraît être un mouvement du Soleil est en réalité un mouvement de la Terre. »

Copernic, De Revolutionibus Orbium Coelestium, 1543.

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La prudence de Nicolas Copernic

Au Très Saint Père Le Pape Paul III

 » Je puis fort bien m’imaginer. Très Saint Père, que dès que certaines gens sauront que, dans ces livres que j’ai écrits sur les révolutions des sphères du monde, j’attribue à la Terre certains mouvements, ils clameront qu’il faut tout de suite nous condamner, moi et cette mienne opinion.

Or, les miens ne me plaisent pas au point que je ne tienne pas compte du jugement des autres. Et bien que je sache que les pensées du philosophe ne sont pas soumises au jugement de la foule, parce que sa tâche est de rechercher la vérité en toutes choses, dans la mesure où Dieu le permet à la raison humaine, j’estime néanmoins que l’on doit fuir les opinions entièrement contraires à la justice et à la vérité.

C’est pourquoi, lorsque je me représentais à moi-même combien absurde vont estimer cette άχρόαυα [mot grec inconnu] ceux qui savent être confirmée par le jugement des siècles l’opinion que la Terre est immobile au milieu du ciel comme son centre, si par contre j’affirme que la Terre se meut : je me demandais longuement si je devais faire paraître mes commentaires, écrits pour la démonstration de son mouvement ; ou, au contraire, s’il n’était pas mieux de suivre l’exemple des Pythagoriciens et de certains autres, qui –– ainsi que le témoigne l’épître de Lysias à Hipparque –– avaient l’habitude de ne transmettre les mystères de la philosophie qu’à leurs amis et à leurs proches, et ce non par écrit, mais oralement seulement.

Et il me semble qu’ils le faisaient non point, ainsi que certains le pensent, à cause d’une certaine jalousie concernant les doctrines à communiquer, mais afin que des choses très belles, étudiées avec beaucoup de zèle par de très grands hommes, ne soient méprisées par ceux à qui il répugne de consacrer quelque travail sérieux aux lettres –– sinon à celles qui rapportent ––, ou encore par ceux qui, même si par l’exemple et les exhortations des autres ils étaient poussés à l’étude libérale de la philosophie, néanmoins, à cause de la stupidité de leur esprit, se trouvent être parmi les philosophes comme des frelons parmi les abeilles.
Comme donc j’examinais ceci avec moi-même il s’en fallut de peu que, de crainte du mépris pour la nouveauté et l’absurdité de mon opinion, je ne supprimasse tout à fait l’œuvre déjà achevée.(…)  »

Extrait de la préface de Nicolas Copernic, De revolutionibus orbium coelestium. Tiré de Stephen Hawking, Sur les épaules des géants, Dunod, 2003.

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Copernic explique son système au pape

« Figurons-nous un assemblage de membres détachés du corps humain, qui appartiendraient à des individus d’une taille et d’une conformation différentes. Si l’on s’avisait d’en composer un tout organisé, la disproportion des parties, leurs diverses configurations présenteraient l’aspect hideux d’un monstre, plutôt que la forme régulière de la figure humaine. Voilà les traits sous lesquels s’offrait à mes yeux l’édifice de l’astronomie ancienne.

Après de longues recherches, je me suis enfin convaincu :

Que le Soleil est une étoile fixe, entourée de planètes qui tournent autour d’elle et dont elle est le centre et le flambeau. Qu’outre les planètes principales, il en est encore du deuxième ordre, qui circulent d’abord comme satellites autour de leurs planètes principales, et avec celles-ci autour du Soleil

Que tous les phénomènes des mouvements diurne et annuel, le retour périodique des saisons, toutes les vicissitudes de la lumière et de la température de l’atmosphère qui les accompagnent, sont les résultats de la rotation de la Terre autour de son axe et de son mouvement périodique autour du Soleil.

Que le cours apparent des étoiles n’est qu’une illusion d’optique, produite par le mouvement réel de la terre et par les oscillations de son axe.

Enfin, que le mouvement de toutes les planètes donne lieu à un double ordre de phénomènes, qu’il est essentiel de distinguer, dont les uns dérivent du mouvement de la Terre, les autres de la révolution de ces planètes autour du Soleil. »

In Nicolas Copernic, De la révolution des orbes célestes, 1543, dédicace au pape Paul III.

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Lettre de Galilée au P. Castelli (21 décembre 1613)

C’est dans cette lettre, largement diffusée, que Galilée énonce ses vues sur les rapports entre la Bible et le système copernicien. Le P. Castelli avait pris la défense de la doctrine de Copernic, déclarant qu’elle n’était en rien opposée à la Bible.

« (…) Certains des arguments que vous avez avancés, et qui m’ont été rapportés par M. Arrighetti, m’ont donné l’occasion de considérer à nouveau certaines questions générales touchant à la place qui revient à l’Ecriture sainte dans les débats concernant des propositions de philosophie naturelle, et d’autres questions plus particulières au sujet du passage de Josué que la Grande-Duchesse Mère vous a opposé comme un argument contre la mobilité de la Terre et l’immobilité du Soleil, et qui a suscité quelques répliques de la part de la Sérénissime Archiduchesse [Grande-Duchesse de Toscane Marie-Christine de Lorraine].

Quant à la première question générale soulevée par Madame Sérénissime, il me semble que c’est très sagement qu’elle a suggéré – et que vous avez accordé et confirmé – que l’Ecriture sainte ne peut jamais mentir ou errer et qu’au contraire ses décrets possèdent un caractère de vérité absolue et inviolable. J’aurais seulement ajouté que, bien que l’Ecriture ne puisse errer, néanmoins certains de ses interprètes et commentateurs peuvent parfois commettre des erreurs, et cela de diverses manières. La plus grave et la plus fréquente de ces erreurs consiste à vouloir s’arrêter toujours à la pure signification des mots, car cela fait naître non seulement diverses contradictions, mais aussi de graves hérésies et même des blasphèmes. Il serait ainsi nécessaire de donner à Dieu des pieds, des mains et des yeux, ainsi que des sentiments corporels et humains tels que la colère, le repentir et la haine, parfois même l’oubli des événements passés, et l’ignorance des futurs. Par conséquent, tout comme on trouve dans les Ecriture beaucoup de propositions qui, si on s’en tient au sens nu des mots, semblent s’écarter de la vérité, mais sont formulées de cette façon afin de s’adapter aux faibles capacités des gens ordinaires, de même est-il nécessaire que, pour les bénéfices de ces rares individus qui se distinguent de la plèbe, les interprètes savants dégagent le vrai sens de ces propositions et identifient les raisons spécifiques pour lesquelles elles ont été énoncées en ces termes.

Etant donné donc qu’en beaucoup d’endroit l’Ecriture non seulement peut, mais doit nécessairement recevoir des interprétations qui sont éloignées de la signification apparente des mots, il me semble que, dans les débats qui concernent les questions de philosophie naturelle, elle ne devrait être invoquée qu’en dernière instance. Car, puisque l’Ecriture sainte et la nature procède également du Verbe divin, la première en tant que dictée par l’Esprit saint, la seconde en tant qu’exécutrice très fidèle des ordres de Dieu ; et puisque, de plus, il a paru approprié que dans les Ecritures beaucoup de choses soient dites de façon différente, quant à la signification apparente des mots, de la vérité absolue, afin de s’adapter à la compréhension du commun des hommes, et la nature étant, au contraire, inexorable et immuable et nullement soucieuse que ses raisons cachées et ses façons d’agir soient ou non accessibles à la compréhension des hommes, parce qu’elle ne transgresse jamais les limites des lois qui lui ont été imposées; il paraît raisonnable de conclure que,s’il y a un effet naturel qui nous est manifesté clairement par l’expérience des sens ou qui découle nécessairement de la démonstration, il ne doit en aucune façon être mis en doute parce qu’il existe dans l’Ecriture ne sont pas soumises à des contraintes aussi strictes que ne le sont les effets de la nature. Au contraire, s’il est vrai que l’Ecriture est allée jusqu’à obscurcir certains de ses dogmes fondamentaux pour le seul motif qu’il lui fallait s’adapter aux capacités de peuples rudes et incultes, en attribuant à Dieu lui-même des caractéristiques très éloignées de son essence et même contraires à elle, qui pourra soutenir catégoriquement qu’en mettant de côté ces considération, elle ait choisi, en parlant, ne fût-ce qu’incidemment, de la Terre, du Soleil, ou de tout autre objet de la création, de se borner rigoureusement aux significations strictes et étroites des mots? Et surtout quand elle fait au sujet de ces objets créés des affirmations qui n’ont aucune connexion avec l’intention première de ces livres sacrés, mais qui, au contraire, énoncées et considérées dans leur vérité nue et manifeste, porteraient plutôt atteinte à cette intention première en rendant le commun des hommes plus réticent à se laisser persuader au sujet des articles concernant le salut. »

In Jean-Francois Balaudé, 2004, Galilée, lettre à Christine de Lorraine et autres écrits coperniciens pp. 128-131.

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Lettre de Galilée à la Grande-Duchesse de Toscane Marie-Christine de Lorraine (1615)

« (…) C’est précisément à cause des fausses accusations que ces personnes cherchent à lancer contre moi injustement, que j’ai cru nécessaire de me justifier auprès du public dont je dois prendre en grande considération le jugement et les idées pour tout ce qui touche aux questions de religion et de réputation. J’examinerai donc le détail de ce qu’ils avancent pour justifier la haine destructrice qui les anime à l’égard de cette opinion, qu’ils déclarent non seulement fausse mais aussi hérétique. S’abritant derrière le bouclier d’un zèle religieux feint, ils essaient aussi d’impliquer les Saintes Ecritures en les rendant en quelque sorte exécutrice de leurs intentions mensongères. Ils veulent en outre, me semble-t-il, étendre l’autorité des Ecritures et des saints Pères contre leur intention même, pour ne pas dire abuser de cette autorité, en soutenant que même en ce qui concerne les propositions purement naturelles, qui ne sont pas de fide, on doit abandonner, complètement les sens et les raisonnements démonstratifs s’il arrive que quelques passages des Ecritures sont ainsi formulées qu’ils semblent exprimer une idée différente. J’espère démontrer que ma façon de procéder témoigne beaucoup plus que la leur d’un zèle religieux et pieux, lorsque je propose non pas que ce livre ne soit pas condamné, mais qu’il ne soit pas condamné, comme ils le voudraient, sans être d’abord compris, considéré, ou même seulement lu. Cela surtout s’agissant d’un auteur qui ne traite jamais de choses relatives à la religion et à la foi, et n’utilise aucun argument qui dépende en quelque façon de l’autorité des Saintes Ecritures qu’ils auraient pu mal interpréter. Il s’en tient au contraire toujours à ses propositions naturelles concernant les mouvements célestes, propositions traitées dans des démonstrations astronomiques et géométriques, et qui sont d’abord fondées sur des expériences sensibles et des observations extrêmement soigneuses. Non pas que Copernic ne se voit pas préoccupé des passages des textes sacrés, mais il comprenait très bien que, puisque sa propre théorie était démontrée, elle ne pouvait être en contradiction avec les Ecritures bien comprises. C’est la raison pour laquelle, en s’adressant au souverain pontife à la fin de la dédicace, il s’exprime ainsi : « Si d’aventure il se trouve de vains discoureurs qui, tout en étant totalement ignorants des mathématiques, prétendent néanmoins juger de ces manières, qui, en raison de tel ou tel passage de l’Ecriture malignement détourné dans le sens de leur opinion osent blâmer et attaquer mon ouvrage, et bien ! Je ne me soucie aucunement d’eux ; mieux même, je méprise leur jugement comme téméraire. On n’ignore pas en effet que Lactance, par ailleurs célèbre écrivain mais piètre mathématicien. Parle d’une façon tout à fait puérile de la forme de la Terre, lorsqu’il tourne en dérision ceux qui ont enseigné que la Terre a la forme d’un globe. C’est pourquoi les savants ne doivent pas s’étonner si de tels gens nous tournent aussi en dérision. Les mathématiques sont écrites pour les mathématiciens, aux yeux de qui mes travaux aussi, je ne me trompe, paraîtront apporter quelque chose à la république ecclésiastique, dont Ta Sainteté occupe actuellement la tête. » (…) Si l’on en vient maintenant à la question plus particulière qui est la nôtre, il suit nécessairement de ce qui vient d’être dit que, puisque l’Esprit saint n’a pas voulu nous apprendre si le ciel est en mouvement ou en repos, ou s’il a la forme d’une sphère, d’un disque ou encore s’il s’étend sur un plan, ou bien si la Terre est située en son centre, ou comprise dans une partie de sa périphérie, il n’aura pas eu non plus l’intention de nous donner une certitude concernant d’autres propositions du même genre qui ont une connexion telle avec les questions qui viennent d’être évoquées que, sans avoir d’abord répondu à celles-ci, il est impossible d’en déterminer tel ou tel aspect-j’ entends les propositions qui concernent le mouvement ou le repos de cette Terre ou du Soleil. Et si l’Esprit saint lui-même a omis à dessein de nous enseigner de telles propositions, dans la mesure où elles sont sans rapport aucun avec son intention propre qui est notre salut, comment pourra-t-on affirmer aujourd’hui que, de deux propositions sur ce sujet, il soit absolument nécessaire que l’une soit de fide et l’autre erronée ? Une opinion pourrait-elle être hérétique et ne concerner aucunement le salut des âmes ? Ou pourrait-on dire qu’il est une chose qui concerne notre salut que l’Esprit saint n’aurait pas voulu nous enseigner ? Je répèterai à ce propos les mots que j’ai entendu d’une personne très éminente dans la hiérarchie ecclésiastique : L’intention de l’Esprit saint est de nous enseigner comment on va au ciel et non comment va le ciel. (…)»

In Jean-Francois Balaudé, 2004, Galilée, lettre à Christine de Lorraine et autres écrits coperniciens pp.149-150/158-159.

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Galilée (1564-1642) et l’Inquisition

 » SENTENCE rendue le 26 février 1616: L’opinion que le Soleil est au centre du monde et immobile est absurde, fausse en philosophie, et formellement hérétique, parce qu’elle est expressément contraire à la Sainte Écriture.

ABJURATION faite le 23 juin 1633 : Moi, Galileo Galilei,

(…) âgé de 70 ans, (…) agenouillé devant vous, éminentissimes et révérendissimes cardinaux de la république universelle chrétienne inquisiteurs généraux (…), je jure que j’ai toujours cru, que je crois maintenant, et que je croirai à l’avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la sainte Église catholique, apostolique et romaine ; (…) j’ai été jugé suspect d’hérésie pour avoir tenu et cru que le Soleil était le centre du monde et immobile, et que la Terre n’était pas le centre et qu’elle se mouvait.

C’est pourquoi, voulant effacer des esprits de vos Éminences et de tout chrétien catholique cette suspicion véhémente… d’un coeur sincère et d’une foi non feinte, j’abjure, maudis et déteste les susdites erreurs et hérésies… »

In L’affaire Galilée, Émile NAMER, Éditions Gallimard.

Même texte complet

« Je Galilée, fils de feu Vincent Galilée, âgé de soixante-dix ans, constitué personnellement en jugement, et agenouillé devant vous éminentissimes et révérendissimes seigneurs cardinaux Inquisiteurs généraux en toute la république chrétienne contre la malignité hérétique, ayant devant mes yeux les sacro-saints Evengiles, que je touche de mes propres mains, jure que j’ai toujours cru, crois maintenant et, moyennant l’aide de Dieu, croirai à l’avenir tout ce que la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine tient, prêche et enseigne : mais d’autant que par ce Saint Office, pour n’avoir dit qu’il m’avait été par sa part même juridiquement intimée avec commandement que j’eusse acquitté entièrement la fausse opinion que le Soleil est le centre du monde et qu’il ne se meut point, et que j’eusse à ne point tenir, ni défendre, ni enseigner en façon quelconque ni de vive voix, ni par écrit ladite fausse doctrine, et qu’il m’avait été notifié que ladite doctrine est contraire à la Sainte Ecriture, et fait imprimer un livre dans lequel je traite de la même doctrine déjà condamnée et apporte des raisons avec beaucoup d’efficace en sa faveur, sans donner aucune réfutation, j’ai été jugé grandement suspect d’hérésie, à savoir d’avoir tenu, et cru que le Soleil est le centre du monde, et immobile, et que la Terre n’est point le centre, et qu’elle se meut.

Partant, voulant ôter de l’esprit de vos Eminences, et de tout fidèle chrétien, ce véhément soupçon conçu contre moi, je jure, je déteste et maudis d’un cœur sincère et d’une foi non feinte les susdites erreurs et hérésies, et généralement toutes et chacune autre erreur, hérésie et secte contraire à la susdite Sainte Eglise, et je jure qu’à l’avenir je ne dirai ni n’affirmerai plus jamais de voix, ni par écrit telles choses, à raison desquelles on puisse avoir un semblable soupçon de moi. Que plutôt si je viens à connaître quelque hérétique ou quelqu’un qui en soit suspect, je le dénoncerai à ce Saint-Office, ou bien à l’Inquisiteur, ou à l’ordinaire du lieu où il sera. Je jure aussi et promets d’accomplir, et garder entièrement toutes les pénitences qui m’ont été, ou me seront, imposées par ce Saint-Office. Et si je devais manquer à ces promesses et contrevenir à ces jugements, je me soumets à toutes les peines et les punitions qui sont imposées et promulguées par les sacrés canons et autres constitutions générales et particulières contre semblables délinquants. Ainsi Dieu m’assiste, et ce sont les Saints Evangiles que je touche de mes mains.

Je Galileo Galilei susdit ai abjuré, juré, promis, et me suis obligé comme dessus ; et, en témoignage de la vérité, j’ai signé de ma propre main la présente cédule de mon abjuration, et l’ai récitée mot à mot à Rome dans le Couvent de la Mineure ce jour d’hui 22 juin de 1633.

Je, Galileo Galilei, ai abjuré comme dessus de ma propre main. »

In Jean-Francois Balaudé, 2004, Galilée, lettre à Christine de Lorraine et autres écrits coperniciens pp.407-408.

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Un extrait du « Dialogue » de Galilée

En 1616, le Saint-Office émet un décret interdisant la pensée copernicienne, à laquelle Galilée adhère complètement. En 1624, Galilée reprend tout de même l’écriture de son livre, « le Dialogue » concernant les deux grands systèmes du monde, qu’il termine en 1630. L’auteur a la maladresse de présenter le système copernicien cité dans l’ouvrage comme un fait et non comme une hypothèse. Il y apparaît très nettement la prise de position du savant en faveur du système copernicien, et non en faveur du ptolémaïque.

Le livre est publié à Florence, le 21 février 1632.

Ce dernier est, le 22 juillet 1632, retiré du commerce sous les ordres du Pape Urbain VIII, ancien ami de Galilée, et l’auteur est convoqué à Rome le 12 avril 1633 où il est mis en état d’arrestation. Puis, le 30 août 1634 comparaissant devant le tribunal de l’Inquisition, il est condamné à la prison à vie. Il abjurera tout de même la théorie de Copernic et sera donc autorisé à séjourner en maison d’arrêt. Tous ses ouvrages seront évidemment interdits.

« Salviati : Moi, je me demande si le Signor Simplicio n’a pas quelque peu altéré le sens des textes d’Aristote et des autres péripatéticiens, lesquels disent que le ciel doit être tenu pour inaltérable parce qu’on n’a jamais vu en lui s’engendrer ni se corrompre aucune étoile, alors qu’une étoile est une moindre partie du ciel que ne l’est de la Terre, une ville, et que d’innombrables villes ont été détruites au point qu’il n’en reste plus trace. »

« Sagredo : Pour moi, j’en jugeais tout autrement: je croyais que le Signor Simplicio évitait de produire des textes pour ne pas charger le maître [il s’agit d’Aristote] et son école d’une faute beaucoup plus lourde encore. N’est-il pas vain de dire que « la région céleste est inaltérable, parce qu’en elle aucune étoile ne s’engendre ni ne se corrompt » ? Quelqu’un a-t-il jamais vu un globe terrestre se corrompre et un autre s’engendrer ? Et n’est-il pas admis par tous les philosophes que très peu d’étoiles au ciel sont plus petites que la Terre, tandis qu’un très grand nombre sont plus grandes, et de beaucoup? La corruption d’une étoile au ciel n’est pas un moindre accident que la destruction du globe terrestre tout entier; si donc, pour qu’on puisse introduire la génération et la corruption dans l’univers, il faut que se corrompent et se régénèrent des corps aussi vastes que les étoiles, renonçons à en parler, car je vous assure bien que jamais on ne verra se corrompre le globe terrestre ou quelque corps intégral du monde, en sorte qu’après avoir été visible durant de longs siècles, il se dissolve et ne laisse aucune trace de lui-même. »

« Salviati : Mais pour donner surabondante satisfaction au Signor Simplicio et, s’il se peut, pour le tirer d’erreur, j’ajoute que notre siècle nous apporte des observations nouvelles et des faits nouveaux tels que si Aristote vivait aujourd’hui, je suis certain qu’il changerait d’opinion. Sa façon même de philosopher nous le prouve: quand en effet, il écrit qu’il tient les cieux pour inaltérables, etc., parce qu’on n’a jamais vu s’y engendrer rien de nouveau ni rien d’ancien s’y corrompre, il laisse implicitement entendre que, s’il avait été témoin de tels accidents, il aurait pensé le contraire et placé, comme il convient, l’expérience sensible avant la raison naturelle; car s’il n’avait pas voulu tenir compte du témoignage des sens, il n’aurait pas conclu de l’absence des mutations sensibles à l’immutabilité. »

« Simplicio : Aristote se fonde d’abord sur le raisonnement a priori et déduit de principes naturels, clairs et évidents, la nécessité de l’inaltérabilité du ciel, qu’il établit ensuite a posteriori par le donné sensible et les traditions des anciens. »

« Salviati : Ce que vous dites, c’est la méthode selon laquelle il a écrit sa doctrine, mais je ne crois pas que ce soit celle qui lui a permis de la trouver, car je tiens pour certain que, par la voie des sens, des expériences et des observations, il a d’abord pris soin de s’assurer, autant que possible, de la vérité de sa conclusion, et qu’ensuite il a cherché le moyen de la démontrer. Ainsi procède-t-on le plus souvent dans les sciences démonstratives, et cela parce que, si la conclusion est vraie, on retrouve aisément, en employant la méthode résolutive, quelque proposition déjà démontrée où on remonte à quelque principe évident; si au contraire, la conclusion est fausse, on procède indéfiniment sans jamais rencontrer aucune vérité connue, ou même on aboutit à une absurdité manifeste. »

Extrait du « Dialogo » de Galilée. Comme son nom l’indique, le texte entier est un long dialogue entre trois personnages :

Salviati : Il est l’incarnation de la pensée de Galileo Galilei et défend ses idées contre celles de Simplicio.

Simplicio : Il représente pour sa part la pensée aristotélicienne. Il est l’adversaire de Salviati dans ce débat. Son nom est en rapport avec un grand Aristotélicien : Simplicius.

Sagredo : Il est là comme témoin de la discussion. Il joue le rôle d’une personne qui doit choisir son camp et il fait tout au long des réflexions sur les réponses de Salviati.

Son vrai titre est : Dialogo sopra i due massimi sistemi tolemaico e Copernicano.

Lettre de Galilée à l’un de ses correspondants français

 » Vous avez lu mes écrits et ainsi vous avez certainement compris quelle était la vraie et réelle cause qui a provoqué, sous le masque mensonger de la religion, cette guerre contre moi, qui continuellement me lie et me contraint en tout sens, de sorte qu’aucune aide ne peut venir de l’extérieur, et que je ne puis pas non plus me mettre en avant pour me défendre, car un ordre exprès a été donné à tous les inquisiteurs de ne point autoriser la réimpression d’aucun de mes ouvrages ayant été publiés il y a plusieurs années, ni de donner de permis d’imprimer à aucune de mes oeuvres nouvellesÉ un ordre, dis-je, très rigoureux et très large, contre tous mes ouvrages, omnia edita et edenda [ceux déjà édités comme ceux à paraître] ; de sorte qu’il ne me reste plus qu’à succomber en silence sous le flot d’attaques, de dérisions et d’insultes venant de toutes parts. »