Le roi de Sicile Guillaume II le Bon
« Le roi de Sicile est admirable en ceci qu’il a une conduite parfaite ; il emploie des musulmans comme fonctionnaires et utilise des officiers castrats et tous, ou presque, gardent leur foi secrète et restent attachés à la loi musulmane. Le roi a pleine confiance dans les musulmans et se repose sur eux pour ses affaires et ses travaux les plus importants. (…) Ce rois possède de grands palais et des jardins merveilleux surtout dans la capitale de son royaume, al-Madina. C’est le souverain de la Chrétienté qui mène le train le plus somptueux et qui est le plus opulent. Il ressemble aux souverains musulmans : comme eux, il plonge dans les délices du pouvoir, établit ses lois, règle ses modalités, répartit les dignités parmi ses hommes, exagère la pompe royale et l’étalage de son apparat. Son autorité est très grande. Il a des médecins et des astrologues, car il s’en préoccupe grandement et y tient tant que, lorsqu’il apprend qu’un médecin ou un astrologue est de passage dans son royaume, il ordonne qu’on le retienne et le comble de tant de moyens d’existence qu’il en oublie sa patrie. (…)
Un autre fait admirable qu’on rapporte à propos de sa personne, c’est qu’il lit et écrit l’arabe ; d’ailleurs son paraphe, d’après ce que nous en dit un de ses serviteurs particuliers, est ainsi formulé en arabe : « Louange à Dieu, autant qu’Il le mérite » (…). Il y avait eu dans cette île un séisme qui a avait fait trembler la terre et effrayé ce roi polythéiste. Il parcourait son palais et entendait ses femmes et ses eunuques invoquer le nom de Dieu et celui de son Prophète (…). [Le roi dit] « Que chacun évoque son Dieu et Celui à qui il croit. »
Ibn Jubayr, Relation de voyage (1184-1185) in Voyageurs arabes, Gallimard, 1995