Les calquières sont, dans le Languedoc, les édifices voués à l’exercice du métier de tanneur. Ce métier s’exerçait, la plupart du temps, en bordure de ville, du fait des « odeurs pestilencielles » qui émanaient des cuves dans lesquelles les tanneurs (ou coyratiers) lessivaient les peaux. Il en allait de même pour les canabassiers (ou chanvriers)… Ce document est un type de contrat que l’on retrouve parfois au sein des minutes notariales :
L’an mil six cens quarante un et le segond jour du moys de Juin, apprès midy, régnant tres chrétien prince Louis, par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre.
Estably en sa personne Isaac Tartayron, marchant coyratier, habitant de la ville de Ganges au diocèze de Montpellier, lequel, de gré, a bailhé et bailhe à prisfaict à André Fabre et Estienne Randon, massons dudit Ganges, présant, stipulant et recevantz, le trevail de massonnerie et bastiment et autre chose cy apprès mentionnées, à faire en un cazal de calquière et pettit espace de jardin y joignant, que le susdit Tartayron a acquise despuis peu de temps en ça du Sieur Isaac Parran, marchant dudit Ganges, scituée en la jurisdiction dudit Ganges et proche la rivière dhéraud, désigné dans le contract sur ce passé, receu par moy notère royal, soubs sa datte.
Et premièrement de bastir à bonne pierre et de mourtié de chaux et sable le nombre de quarante deux pans de parroy ou murailhe, sur les fondementz des parrois dudict cazal de calquière pour la longeur, ayant vingt pans de hauteur à l’endroit du plus haut, appellé le Callamant, et quatorze pans à l’endroit plus bas, allant en pente pour fère l’esgoust du toit, et d’espesseur bonne et suffizante et du moings de deux pans et demi d’espesseur au plus bas pour tenir et estre de durée;
Item, de fère la porte et entrée du devant de ladicte calquière avec de grandes pierres de taille, bonne et suffizante;
Item, de fère une autre porte à grosses pierres brocades au dernier de ladicte calquière pour aller d’icelle dans le pettit jardin et, de là, jusques au gravier de ladicte rivière dhéraud;
Item, de fère une autre porte avec de grandes pierres brocades comme la précédante, à la murailhe du susdict jardin qu’est devers ladicte rivière dhéraud, pour aller de ladicte calquière et dudict jardin en ladicte rivière;
Item, de fère, dans ledict jardin, ung bancal basty et massonné d’une parroy bonne et suffizante, de hauteur de quatre pans et de longeur tant que dure le susdict jardin;
Item, de hausser ladicte murailhe de jardin compettemant pour fère en sorte qu’il se puisse mettre commodement sur icel une pille de pierre de rouquet percée pour servir comme d’antounoir, pour recepvoir l’eau quy sera puizée dans ladicte rivière dhéraud pour arroser ledict jardin, ou envoyer avec de tuyaux dans ladicte calquière à l’uzage dudict mestier de coyratier ou tanerie de peaux;
Item, de fère la susdicte pille de pierre de rouquet à recepvoir ladicte eau quy soit de grandeur suffizante et percée d’ung pettit trou comme les autres du jardin dudict terroir;
Item, de fère une autre pettite parroy massonnée de pierre, chaux et sable, au dessoubz de ladicte pille, garnye de tuilles au dessus, pour recepvoir l’eau de ladicte pille et le fère dériver dans un creux au milieu dudict jardin pour fère ledict arrozement;
Item, de fère le susdict creux au millieu dudict jardin à recepvoir ladicte eau, autremant appellé Pouzaranque, avec bonne pierre, chaux et sable, de grandeur compettante;
Item, de fère oster toute la terre nécessaire du passage d’entre la porte de derrière de ladicte calquière et celle du susdict jardin, qu’est sur la rivière tant que dure ladicte espace, et transporté ladicte terre sur le gravier de ladicte rivière dhéraud ou autre endroit quy ne fasse point d’empéchemant, ny au général, ny au particulier, et pour cest effect, cruzer ladicte terre durant tout ledict espace de quatre pans de profondeur, à cauze que les bastimentz de ladicte calquière font trouver ladicte terre, au susdict endroit, trop haute des susdicts quatre pans de hauteur;
Item, apprès la susdicte terre ostée audict endroit, de fère en icellui endroit une autre murailhe ou parroy à bonne massonnerie de pierre et mourtié de chaux et sable, de hauteur de cinq pans, comprins le fondemant, pour rettenir la terre du jardin restant et fère que icelle terre ne sesboulle pour empécher dérechef ledict passage, laquelle parroy contiendra en longeur tout le susdict espace despuis ladicte calquière jusques à la parroy qu’est devers la rivière, sauf à une pettite séparation quy se fera avec quatre ou cinq degredz pour monter dudict passage dans ledict jardin, lesquelz degredz les susdicts Fabre et Randon seront aussi tenus de fère bons et suffizantz pour estre de durée, toutes lesquelles parrois seront bien et suffizemantz basties et massonnées pour estre de durée, comme aussi plastrées et embattumés de bon mourtier, tant d’ung costé que d’autre;
Item, de fère dans ladicte calquière ou la parroy du dernière, qu’est devers le jardin, troys arquières ou veues pour fère clarté dans ladicte calquière, de hauteur et largeur compettantes;
Item, de fère dans le sol de ladicte calquière un grand creux de neuf pans de longueur, quatre pans et demi de largeur et cinq de profondeur, servant à fère lessiver les peaux, bien basty des quatre costés jusques à fleur de terre et pavé au sol, et apprès embasttumé et plastré, tant audict sol que à l’entour, de grut ou aultre matière convenable comme sont les autres creux des calquières, bien suffizemant;
Item, de fère aussi dans ladicte calquière une pille servant à mettre les peaux tirées de la lessive quy soit de six pans de longeur, cinq pans de hauteur et troys pans et demi de largeur, de bonne massonnerie de pierre et mourtié de chaux et sable, embattumée par tout le dedans avec de greut, bien et suffizemant, comme sont les autres pilles de calquières;
Item, de fère ung postat ou entresol sur deux poutres ou fustes dans ladicte calquière et au travers d’icelle, pour y tenir les cendres, chaux, ostilz et autre chose nécessaire pour le mestier de coyratier, lequel postast ou entresol sera de longeur de troys cannes sur lesdictes deux poutres, avec de aix de bois chastagnier, cabroulade de la main d’ung menuzié et puis clouées et attachées de bons cloux sur lesdictes poutres ou de travettes, bien et suffizement, pour estre de durée;
Item, feront lesdicts Fabre et Randon, entrepreuneur, le couvert de toute ladicte calquière sur cinq grandes poutres, chevrons et posses de chastagnier, en y mettant de bons tuilles au dessus, tant qu’il sera nécessaire pour estre ladicte calquière bien couverte, et ledict couvert bien faict et accomodé pour estre de durée;
Et finallement, seront tenus lesdicts Fabre et Randon, entrepreuneurs, de faire fère à leurs dépans par un menuzier troys portes de bois, bonnes et suffizantes et doubles, asfin de fermer l’entrée du devant de ladicte calquière, celle de derrière et l’autre qu’est à la parroy de devers la rivière, faizant en sorte quelles soient bien clouées de bons cloux qu’ils fourniront, ensemble les gondz, palastrages, verroulz, serrures, clefz et autres ferremantz nécessaires, et le fairepozer toute troys ausdictes portes;
Et générallemant fournir tous lesdicts matériaux nécessaire à fère les choses susdictes, tant pierre, mourtier, boys, tuilles que ferremantz, en telle sorte que le tout puisse estre en estat de servir et que ledict Tartayron en puisse fère à ses uzaiges entre icy et six moys prochains venantz, comme ils se chargent de fère, à peyne de tous despans, domaiges et inthérestz, faulte de ce ou que tout ledict trevail ne se trouveroit estre suffizament fait, ledict Tartayron en pourroit souffrir;
Et ce pour et moyenant le prix et somme de troys centz cinquante livres, confessent lesdicts Fabre et Randon avoir heu et receu, avant les présantes, dudict Tartayron, la somme de cent septante cinq livres, qu’est la moitié employée à l’achaipt de partye desdicts matériaux, dont en quittent ledict Tartayron, lequel sera tenu et promest leur payer les autres cent ceptante cinq livres restantz, dans ledict temps de six moys, et lors que ledict trevail sera parachevé et que lesdicts entreupreneurs luy bailheront les clefz desdictes portes pour s’en servir;
Et pour l’observation de tout ce dessus, lesdictes partyes et chacune d’elle comme la conserne respectivemant, ont obligé et yppothéqué les uns envers les autres tous et checung leurs biens présans et advenir, que ont submis aux courtz présidial et pettit seel royal de Montpellier, ordinaire des partyes, et ainsin l’ont promis et juré.
Faict et récité audict Ganges, dans ma boutique, présans les tesmoings (…)
Source : Archives Départementales de l’Hérault, Série II E 34/54, folios 106 r° à 108 v°.
Auteur de la transcription : Jean-Claude TOUREILLE jctou@arisitum.org