L’essai de Theodor Herzl publié en 1896, « l’État des Juifs » (Der JudenStaat) a eu un impact considérable  sur la géopolitique  au 20e siècle puisqu’il est à l’origine du sionisme et de la fondation d’Israël, un demi-siècle plus tard.

Theodor Herzl est né en 1860 dans l’Empire austro-hongrois, à Budapest, dans une famille hongroise de confession juive. Journaliste travaillant   pour un journal  viennois, il est envoyé  comme correspondant de presse à Paris et assiste à la dégradation du capitaine Dreyfus, le 5 janvier 1895. Les manifestations de haine antisémite entendues ce jour là eurent un impact profond sur l’engagement politique de Herzl en faveur du sionisme, c’est à dire  de la création d’un État juif indépendant en Palestine, projet exposé  dans son ouvrage publié un an plus tard, l’État des  Juifs.

Dans l’extrait ci-dessous, Herzl rejette la dimension religieuse du sionisme et le définit comme une question essentiellement politique, dans le contexte de l’éveil  des nationalismes et surtout de l’essor de l’antisémitisme moderne, non seulement en Europe orientale mais aussi dans des pays démocratiques tels que la France. Il s’agit donc  de fonder un État indépendant  conçu comme un refuge où les Juifs puissent vivre « tranquilles ».

 


Je ne considère la question juive ni comme une question sociale ni comme une question religieuse, quel que soit d’ailleurs l’aspect particulier sous lequel elle se présente, suivant les temps et les lieux. C’est une question nationale, et pour la résoudre, il nous faut, avant tout, en faire une question politique universelle, qui devra être réglée dans les conseils des peuples civilisés.

Nous sommes un peuple un.

Nous avons partout loyalement essayé d’entrer dans les collectivités nationales qui nous environnent, en ne conservant que la foi de nos pères. On ne l’admet pas. En vain sommes-nous de sincères patriotes, voire même, dans différents endroits, d’exubérants patriotes; en vain faisons-nous les mêmes sacrifices en argent et en sang que nos concitoyens, en vain nous efforçons- nous de relever la gloire de nos patries respectives, dans les arts et dans les sciences, et d’augmenter leur richesse par le commerce et les transactions. Dans ces patries où nous habitons déjà depuis des siècles, nous sommes décriés comme étrangers, et, souvent, par ceux dont la race n’était pas encore dans le pays alors que nos pères y souffraient déjà. […] Ah! Si l’on nous laissait tranquilles ! Mais je crois que l’on ne nous laissera pas tranquilles. 

Theodor Herzl, L’État des Juifs, (Der JudenStaat), 1896, extrait