En ce Jeudi 27 septembre 1792, Jacques Alexis Thuriot de la Rozière (né à Sézanne en 1753 – mort à Liège en 1829), alors député de la Marne, fait part à l’assemblée d’une émeute qui s’est déroulée à Orléans le 16 du même mois. A sa suite, le député Louis-Pierre Manuel (né à Montargis en 1751 – mort à Paris en 1793), fait part de son opinion relative à cette ville, qu’il apprécie visiblement peu :
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Thuriot : « Des nouvelles alarmantes ont déterminé l’Assemblée nationale à envoyer trois commissaires à Orléans pour y rétablir le calme. Des agitateurs ont été envoyés dans toutes les parties de la république pour y semer la discorde. La proclamation du danger de la patrie a engagé tous les bons citoyens à se réunir dans leurs sections pour y prendre des déterminations convenables aux circonstances.
Le calme régnait dans cette cité, lorsque des étrangers arrivent, forment des groupes, cherchent à agiter le peuple et à préparer une insurrection. Le dimanche 16 du présent, ils s’assemblent en grand nombre dans une place de la ville où se tient le marché; ils accusent un marchand de blé de la rapidité avec laquelle il s’est enrichi, et se plaignent de la cherté du pain. L’imprudent répond qu’il lui importait peu quel prix se vendait le pain, que quand il se vendrait 24 sous la livre, il n’en manquerait pas.
A l’instant, la multitude fond du lui, son corps est mis en pièces et traîné dans les rues, et sa tête portée au bout d’une pique. La garde nationale se rassemble; on charge les canons pour essayer d’arrêter la fureur des brigands. Par malheur le fusil d’un garde national part en l’air; on crie à la trahison. Le citoyen qui portait la tête du particulier massacré se présente au milieu de la multitude. Tout le monde crie qu’on décharge le canon. Le peuple ne s’en tient pas là : il se porte dans deux maisons et les livre au pillage.
On recharge les canons; malheureusement une flammèche tombe sur un caisson de poudre; le feu se communique à un canon dont le coup en partant tue huit personnes. La dévastation continue. Une justice barbare est rendue; les brigands eux-mêmes sont précipités dans les flammes. On force les administrateurs de taxer le prix du pain.
Les officiers municipaux se répandent dans divers quartiers de la ville: ils parlent et ne sont point écoutés; La loi martiale est proclamée. Ce signe de mort était encore déployé à la maison commune lorsque vos commissaires sont arrivés; leur première démarche fut de lire tous les procès-verbaux et de vérifier tous les faits.
La nouvelle du décret qui ordonne le renouvellement des corps administratifs a été reçue avec la plus grande joie; Des haines et des divisions se manifestèrent entre les manufacturiers et les propriétaires. Ces discussions pouvaient opérer la ruine de la ville d’Orléans. Vos commissaires les ont calmées et rétabli avec eux la bonne intelligence. Le peuple désirait que le pain fût vendu livre à livre, chez les boulangers; il l’a obtenu. Enfin, le calme étant parfaitement rétabli, les citoyens satisfaits se réunissent pour célébrer une fête à l’occasion de l’abolition de la royauté en France. Les commissaires, accompagnés des corps administratifs partent de la maison commune pour assister à cette cérémonie. Des illuminations, des cris de « Vive la Liberté et l’Égalité, Vive la Convention nationale, Vive la République Française », retentissent de toutes parts. De retour à la maison commune, vos commissaires ont recueilli le témoignage flatteur de la satisfaction publique. Le peuple a fait le serment de maintenir la sûreté des personnes et des propriétés, etc. ».
Manuel : « La ville d’Orléans ne fait encore que se traîner dans le chemin de la révolution. Il est nécessaire qu’on sache que l’égoïsme domine dans cette ville, et qu’il y a un grand nombre de millionnaires insouciants, qui depuis le commencement de la Révolution, n’ont pas encore fait le moindre sacrifice pour elle, et qui vous diraient, comme cet homme a qui on annonçait que le feu était à sa maison : « Allez le dire à ma femme, je ne me mêle pas des affaires du ménage ».
Les citoyens d’Orléans m’ont chargé de vous présenter une pétition en leur nom, par laquelle ils demandent des secours. Mais il me semble que ces maux doivent être réparés par ceux qui les ont soufferts. Je demande donc qu’il soit levé une imposition sur la ville, qui pèsera particulièrement sur les riches, pour leur apprendre que lorsqu’un incendie se manifeste, on doit s’empresser d’en étouffer les premières étincelles. Nous avons dit au peuple quelques vérités, parce qu’il faut dire la vérité au peuple comme aux rois; nous lui avons donné quelques instructions, par lesquelles nous lui avons appris que si le despotisme ne peut se soutenir que par les crimes, une république ne peut se soutenir que par les vertus ».
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Source : « Journal officiel de la Convention Nationale – La Convention Nationale (1792-1793), Procès-verbaux officiels des séances depuis le 21 septembre 1792, Constitution de la grande assemblée révolutionnaire, jusqu’au 21 janvier 1793, exécution du roi Louis XVI, seule édition authentique et inaltérée contenant les portraits des principaux conventionnels et des autres personnages connus de cette sublime époque », auteur non mentionné, Librairie B. Simon & Cie, Paris, sans date, pages 42 à 43.