(Notes tirées du « Manuel de Diplomatique » de A. GIRY, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1894, pages 479 à 492)

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Les diplômes et les chartes étant des écrits authentiques destinés à régler des intérêts et à consigner des droits, les idées qui y sont exprimées et les catégories de faits qui y sont relatées sont nécessairement en nombre limité et se reproduise assez fréquemment dans les documents du même genre. De plus, comme il est important que l’on discerne facilement dans un acte les dispositions essentielles, idées et faits y sont combiné de manière à en rendre l’intelligence facile. Enfin, l’expression et la disposition devant concourir à ce qu’il n’y ait ni équivoques, ni méprises, ni malentendus, et à ce qu’on ait point à revenir sur les choses exprimées, il en est résulté une recherche particulière d’expression ou même de phrases entières toutes faites qui en constituent les formules.

Dès les premiers siècles du moyen âge, l’art de la composition et du style, appliqué aux chartes et d’une manière plus générale à tous les écrits qui affectaient la forme des lettres, fut, dans les écoles monastiques, l’objet d’un enseignement régulier, qui, dans ce temps d’ignorance, tint presque complètement lieu de l’enseignement du droit. On l’exprimait par le terme dictare, qu’on opposait au mot scribere, et l’on distinguait par suite le dictator, auquel appartenait en quelques sorte la partie intellectuelle du travail, du scriptor, chargé de l’exécution manuelle, à peu près comme la langue administrative de nos jours distingue encore le rédacteur de l’expéditionnaire.

Pour servir de thème à cet enseignement, pour former les dictatores et pour leur servir de guide, on a de bonne heure composé des formulaires, comprenant des modèles des principaux actes que l’on pouvait avoir à rédiger. Des recueils de ce genre ont existé partout et dans tous les temps. Chez les Romains en particulier, les ressemblances qu’on peut constater entre les divers actes d’une même catégorie, lois, constitutions des empereurs, actes privés, etc., suffiraient à montrer que ces documents devaient être rédigés d’après des formulaires, dont nous avons du reste conservé des vestiges.

Après la chute de l’empire on se servit longtemps encore du formulaire romain, dont certaines parties, survivant, jusqu’à la fin du moyen âge, à la législation et aux institutions auxquelles ce formulaire était approprié, pénétrèrent dans les recueils de formules que l’on composa dès le VIe siècle au moins.

L’enseignement de la composition et du style, développé en une sorte de rhétorique épistolaire que l’on nomme le dictamen ou l’ars dictaminis, prit à partir du XIe siècle une importance considérable. Des théoriciens en fixèrent les règles; elles embrassèrent à la fois la composition, la langue, le style, le rythme, et s’appliquèrent aussi bien aux chartes, aux lettres de chancelleries, aux actes publics, aux contrats, qu’aux correspondances familières ou d’affaires.

D’Italie, où il parait s’être formé, cet enseignement se propagea en Allemagne et en France, où il fit longtemps la célébrité des écoles d’Orléans, et d’où il fut porté en Angleterre. Dans ces différents pays il donna naissance à une foule de traités, souvent accompagnés de modèles, d’exemples, de proverbia ou lieux communs, destinés à l’ornement du style, ainsi qu’à des recueils épistolaires formés de morceaux choisis empruntés à des correspondances véritables, ou de productions artificielles écrites en vue de montrer l’application des doctrines.

Malgré certaines différences d’école, cet enseignement et ces préceptes furent en somme communs à la chrétienté tout entière, ce qui s’explique facilement parce qu’ils avaient pour point de départ les usages appliqués à la chancellerie romaine, qui elle-même les avait empruntés en grande partie à l’administration impériale.

De leur côté, les rédacteurs d’actes (notaires ou chanceliers), sans se plier à toutes les exigences des théoriciens, ne laissaient pas que d’appliquer les règles générales du dictamen; ils prenaient dans les formulaires les modèles des actes qu’ils avaient à rédiger, ou bien copiaient des actes antérieurs, ou encore s’appliquaient à imiter ceux des chancelleries importantes.

Il résulte de tout cela qu’en dépit des différences du droit, des coutumes et des usages, en dépit des nombreuses modifications dues aux circonstances particulières, aux influences locales, au temps, ou même aux caprices et à la fantaisie, il y a dans les chartes de toutes les époques et de tous les pays suffisamment de caractères communs pour qu’il soit possible d’en faire une étude méthodique.

On conçoit facilement et sans qu’il soit besoin d’insister, de quelle utilité peuvent être pour la critique diplomatique les traités qui indiquent les règles à suivre pour la rédaction des lettres et des actes ou même les simples recueils de formules destinées à servir de modèles. Sans parler des documents forts nombreux qui ne nous sont parvenus que sous cette forme et que nous ne connaissons que par les recueils, les formules sont fréquemment aux textes diplomatiques ce que sont aux oeuvres narratives les sources primitives dont elles dérivent; et il est souvent aussi important, pour l’interprétation et la critique d’une charte, de déterminer si le rédacteur a utilisé une formule, et, lorsque cette formule s’est conservée, de la comparer avec la charte, que, pour la critique des oeuvres historiques, de déterminer les sources utilisées par un chroniqueur et de les comparer avec son oeuvre.

Mais pour tirer des manuels et des formulaires du moyen âge toute l’utilité qu’on est en droit d’en attendre, il faudrait, non seulement que l’on dressât le catalogue de tous ceux qui nous sont parvenus, mais aussi que l’étude critique de chacun d’eux fut faite. Il faudrait notamment être renseigné, sinon sur l’auteur de chacun de ces recueils, du moins sur la date, le lieu approximatif et les circonstances de sa composition ; il faudrait surtout connaître l’influence qu’il a exercée, déterminer s’il a servi aux rédacteurs d’actes, s’il a été ou est devenu le formulaire officiel d’une chancellerie, jusqu’à quelle époque il a été employé, ou bien s’il a été composé seulement en vue d’exercices scolaires et si les modèles qu’il contient sont de pure fantaisie.

Malheureusement il s’en faut de beaucoup que l’on puisse encore répondre à ces questions pour tous les recueils de ce genre que nous a laissés le moyen âge. Les formulaires antérieurs au XIe siècle, sur lesquels l’intérêt qu’ils présentent pour l’histoire du droit et des institutions avait depuis longtemps attiré l’attention, sont maintenant connus et publiés, mais il n’est pas de même des recueils plus nombreux et plus variés, et non moins utiles pour l’étude des chartes, qui appartiennent à la seconde partie du moyen âge; quelques-uns seulement ont été publiés, mais l’étude critique du plus grand nombre est à peine commencée.

Formulaires antérieurs au XIe siècle

Dans leur ensemble les oeuvres de la première partie du moyen âge ne sont que des formulaires, c’est-à-dire des recueils de formules, d’exemples, de modèles de composition et de style. C’est à peine si l’on y rencontre parfois de brèves indications sur les variantes qui doivent être employées dans certains cas particuliers, et plus rarement encore quelques conseils théoriques sur la manière de rédiger les actes.

De ces formules quelques-unes peuvent avoir été composées et rédigées entièrement par les auteurs de ces recueils, mais le plus grand nombre ont eu pour sources des formulaires plus anciens ou des actes véritables. Dans certains formulaires, les compilateurs ont pris le soin de retrancher certaines parties du début et de la fin des actes et spécialement la date, d’y enlever les dispositions et les clauses trop particulières, et de remplacer les noms propres par le pronom ille, par N (abréviation de nomen), par T (abréviation de talis), ou par des noms de convention. D’autres fois, au contraire, il se sont bornés à reproduire les actes qui leur paraissaient susceptibles de servir de modèles, en négligeant d’y retrancher les circonstances et les détails particuliers, en y conservant même parfois les noms et les dates, négligence heureuse, car non seulement elle a conservé à l’histoire des documents souvent précieux et parfaitement authentiques, mais encore, au point de vue qui nous occupe plus spécialement ici, elle contribue à nous éclairer sur l’origine, la date et toutes les circonstances dont on a besoin pour utiliser les formules en vue de la critique diplomatique.

Les formulaires des époques mérovingienne et carolingienne ont été souvent publiés, on se contentera ici de passer brièvement en revue les recueils les plus importants (Sources: « Recueil général des formules usitées dans l’empire des Francs du Ve au Xe siècle« , de E. de Rozière, Paris, 1861-1871, 3 volumes – « Formulae merowingici et karolini aevi » de K. Zeumer, Hanovre, 1886, dans MGH, série « Legum » sect. V).

1. Formulae Andecavenses.

Collection formée à Angers de 60 formules d’actes privés, et qui nous a été conservée par un manuscrit de Fulda du VIIIe siècle. Les 57 premières sont du commencement du VIIe siècle et quelques-unes du VIe ; les trois dernières sont postérieures à 678.

2. Formulae Arvernenses.

Recueil de 8 formules d’actes privés, contenues dans un manuscrit de Paris du IXe siècle, composées à Clermont au VIIIe.

3. Formulae Marculfi.

C’est le formulaire le plus important de l’époque mérovingienne et le plus intéressant aussi au point de vue diplomatique. Le moine Marculf, qui en est l’auteur, a dédié son oeuvre à un évêque Landri qui ne peut être que saint Landri, évêque de Paris de 650 à 656.

Son œuvre est divisée en deux livres; le premier contient 57 formules de diplômes royaux, le second 52 formules de carta pagenses, c’est-à-dire d’actes privés. Le caractère de formulaire y est très accusé, en ce sens que les protocoles et certaines autres formules ont disparu, que d’autres y sont seulement indiquées, et que les noms propres y sont régulièrement remplacés par le pronom ille. La connaissance approfondie de toutes les particularités de la rédaction des actes et notamment des usages de la chancellerie royale, dont témoigne cette compilation, doit faire supposer que Marculf fut lui-même un praticien, ou du moins qu’il eut à sa disposition des archives contenant des documents de tous genres, celles, par exemple, de l’abbaye de Saint-Denis, qui était à l’époque mérovingienne le dépôt où se conservaient les actes royaux. Le recueil de Merculf ne tarda pas à acquérir du crédit; si l’on ne peut prouver qu’il fut employé à la chancellerie des rois mérovingiens, il semble bien qu’il le fut à celle des maires du palais; il devint, dans tous les cas, un formulaire officiel sous les premiers carolingiens, Pépin, Carloman et Charlemagne.

Sous le titre de Supplementum formularum Marculfi, M. Zeumer a publié six formules en relation étroite avec le recueil de Marculf, et sous celui d’Additamenta e codicibus Marculfi, trois autres, qui semblent avoir été introduites dans la collection dès la fin de l’époque mérovingienne.

4. Formulae Marculfinae aevi karolini.

Désignation donnée à un remaniement du recueil de Marculf, exécuté pendant le règne de Charlemagne.

5. Formulae Turonenses.

Recueil de 45 formules composées à Tours et que nous ont conservées des manuscrits du IXe et du Xe siècles. Elles ont été découvertes par Sirmond et furent longtemps connues sous le nom de Formulae Sirmondicae. Les 33 premières, dont deux d’actes royaux, sont peut-être du milieu du VIIIe siècle, les 12 dernières constituent une addition postérieure. Sous le titre d’Additamenta e codicibus formularum Turonensium M. Zeumer y a ajouté 8 autres formules, dont une d’acte royal ; puis, sous le titre d’Appendix, 4 formules qui se trouvent dans un manuscrit du Vatican du IXe siècle.

6. Formulae Bituricenses.

On a groupé sous ce titre 19 formules de dates différentes, provenant de divers recueils, et dont le caractère commun est d’avoir été composées à Bourges. Les cinq premières, qui se trouvent dans un manuscrit du VIIIe siècle, ont été composées avant 720; la sixième, qui se trouve dans le même manuscrit, est de 734 ou de 764-765; la septième, conservée dans un manuscrit de Paris du IXe siècle, a encore le caractère mérovingien. Les 12 dernières sont des modèles de lettres et datent de l’époque de Charlemagne; elles proviennent d’un manuscrit de Leyde du IX°siècle. M. Zeumer y a joint dans son édition un Appendix de 12 formules provenant de l’abbaye de Saint-Pierre de Vierzon.

7. Formulae Senonenses.

On désigne sous ce nom deux collections différentes formés toutes deux à Sens, et qui nous sont parvenues dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale du IXe siècle.

  • A) Carta Senonicae, recueil de 51 formules, dont 7 diplômes royaux, 2 de lettres adressées au roi et 42 de chartes ou de notices privées, composées à Sens sous le règne de Charlemagne, avant 775. Le même manuscrit contient en outre 6 formules mérovingiennes, dont M. Zeumer a constitué un Appendix.
  • B) Formulae Senonenses recentiores. Collection de 18 formules, dont 7 de notices judiciaires, datant du règne de Louis le Pieux. Le même manuscrit contient encore 5 formules versifiées, publiées par M. Zeumer sous le titre d’Additamentum e codice Formul. Senon., et deux formules de prestaires carolingiennes en notes tironiennes, ajoutées à la fin d’édition comme Addenda ad formulas Senonenses recentiores.

8. Formulae Pithoei.

Fragments d’une collection considérable qui comprenait au moins 108 formules, composées au VIIIe siècle dans un pays de droit salique. Elle se trouvait dans un manuscrit appartenant à un des Pithou et consulté par Du Cange, qui, dans son Glossaire latin, en a cité quelques passages recueillis et regroupés dans l’édition Zeumer.

9. Formulae salicae Bignonianae.

Ce sont 27 formules, dont une d’acte royal, contenues dans un manuscrit de Paris du IXe siècle, publiées pour la première fois par Jérôme Bignon, dont elles ont retenu le nom. Elles ont été composées dans un pays de droit salique, à la fin de l’époque mérovingienne et dans les premières années du règne de Charlemagne.

10. Formulae salicse Merkelianae.

Recueil de 66 formules, contenues dans un manuscrit du Vatican du IXe siècle ou du Xe siècle, auquel on a conservé le nom d’un de ses éditeurs, J. Merkel. On le peut diviser en quatre parties.

  1. La première, à laquelle seule s’applique le titre de Cartae pagenses, comprend les formules 1-30 ou 31, composées dans la seconde moitié du VIIIe siècle d’après celle de Marculf et les Formulae Turonenses.
  2. La seconde partie comprend les formules 31 ou 32-42, ajoutées vers 775 et dont plusieurs reproduisent les textes des Formulae salicae Bignonianae.
  3. La troisième partie, formules 43-45, ajoutée après 817, se compose de formules rédigées dans une abbaye.
  4. Les formules 46-66, qui composent la quatrième partie, semblent remonter au règne de Charlemagne, avant son couronnement comme empereur, et avoir été rédigées dans une ville épiscopale.

Deux formules d’actes d’évêque de Paris se trouvent dans le même manuscrit et forment dans l’édition Zeumer un Appendix sous le titre Formulae Parisienses.

11. Formulae salicae Lindenbrogianae.

Ainsi nommées du nom de Fr. Lindenbruch, qui en a le premier publié la plus grande partie. Collection de 21 formules de chartes privées, contenues dans deux manuscrits du IXe siècle, et composées dans un pays de droit salique, peut-être dans l’abbaye de Saint-Amand en Hainaut. Les Additamenta de l’édition Zeumer comprennent 4 formules, étrangères au recueil, mais contenues dans les mêmes manuscrits.

12. Formulae imperiales e curia Ludovici pii.

Importante collection officielle de 55 formules, composées à Saint-Martin de Tours entre 828 et 832, d’après des diplômes de Louis le Pieux, dont les indications individuelles et particulières ont été en grande partie conservées. Le manuscrit qui nous les a transmises a été écrit pour la plus grande partie en notes tironniennes dans l’abbaye de Saint-Martin de Tours. Publiées par Carpentier dans son Alphabetum Tironianum (Paris, 1747), elles ont été longtemps désignées sous son nom. Ce formulaire est resté en usage dans les chancelleries des monarques carolingiens jusqu’à la fin du IXe siècle. Deux formules, contenues dans un manuscrit de Leyde du IXe siècle, forment un Additamentum dans l’édition Zeumer.

13. Formulae Alsaticae.

  • A) Formulae Morbacenses : 27 formules, dont une d’acte royal, contenues dans un manuscrit de Saint-Gall du IXe siècle et composant une collection formée à la fin du VIIIe siècle dans l’abbaye de Murbach. Ce sont pour la plupart des modèles de lettres.
  • B) Formulae Argentinenses : 3 formules composées à Strasbourg au IXe siècle et contenues dans un manuscrit de Berne du Xe ou XIe siècle.

14. Formulae Augienses

On désigne sous ce titre général trois collections différentes formées à l’abbaye de Reichenau et que nous ont conservées trois manuscrits du IXe siècle.

  • Collectio A : 23 formules d’actes privés, remontant à la fin du VIIIe siècle et composées en grande partie à l’aide de celle de Marculf.
  • Collectio B : 43 formules d’actes privés, dont les plus anciennes sont du VIIIe siècle et les plus récentes du milieu du IXe siècle.
  • Collectio C : Formulae epistolares Augienses. Manuel épistolaire de 26 formules, dont la composition, commencée sous l’abbatiat d’Erlebad, a été complétée sous son successeur, Walafrid Strabon (823-849).

15. Formulae Sangallenses.

  • Formulae Sangallenses miscellaneae : 25 formules de divers provenances, composées dans l’abbaye de Saint-Gall, la plus ancienne du milieu du VIIIe siècle, la plus récents de la fin du IXe. Il faut noter que ces formules sont souvent accompagnées d’indications destinées aux rédacteurs d’actes.
  • Collectio Sangallensis Salomonis III. tempor conscripta : Compilation de 47 volumes, conservés dans plusieurs manuscrits des Xe-XIIe siècles, et qu’on peut diviser en quatre parties.
    • Formules 1-5 : Formules de diplômes royaux, fabriqués sans modèles à Saint-Gall, de 885 à 887.
    • Formules 6-21 : Formules de droit privé recueillies à Saint-Gall, vers 870.
    • Formules 22 et 23 : Formules de Littera formata et instructions pour rédiger les textes de ce genre.
    • Formules 24-43 : Recueil de modèles de lettres des moines Waldo et Salomon qui devinrent évêques, l’un de Freising et l’autre de Constance, composé de 877 à 878: les n° 44-47 sont une addition postérieure de 823 ou environ; les n° 48-50 sont des pièces versifiées qui n’ont rien de commun avec les formules.
  • Six formules, dont une de précepte impérial, provenant des mêmes manuscrits, forment dans l’édition Zeumer les Additamenta e codicibus collectionis Sangallensis.

La collection entière aurait été composée, d’après M. Zeumer, à Saint-Gall, sous l’abbatiat de Salomon III, mais sans participation, par le moine Notker, mort en 912.

16. Formulae Salzburgenses.

60 formules épistolaires composées à Salzbourg au commencement du IXe siècle en utilisant la correspondance d’Alcuin; conservées dans un manuscrit du IXe siècle.

17. Collectio Pataviensis.

7 formules dont 5 d’actes royaux, composées à Passau, sous le règne de Louis le Germanique, et contenues dans un manuscrit du IXe siècle.

18. Formulae codicis S. Emmerammi.

Fragments d’une compilation de formules exécutée au IXe siècle à Saint-Emmeran de Ratisbonne et qui se composait de trois collections. De la première subsistent neuf formules dont deux empruntées au recueil des Cartae Senonicae. La seconde était presque la reproduction des Formulae salicae Lindenbrogianae. De la troisième il ne reste qu’une partie de la table, qui montre que plusieurs de ces formules étaient empruntées aux Formulae Marculfinae aevi Karolini.

19. Collectio Flaviniacensis.

Collection, formée à l’abbaye de Flavigny, de 117 formules empruntées en grande partie à Marculf, au supplément de Marculf et aux Formulae Turonenses. Une dizaine tout au plus ne se rencontre pas ailleurs. Le manuscrit qui nous l’a conservée est du IXe siècle. Six formules du même manuscrit qui ne semblent pas bourguignonnes ont formé dans l’édition Zeumer les Additamenta collectionis Flaviniacensis.

20. Formulae collectionis Sancti Dionysii.

Recueil de 25 formules, formés sous Charlemagne dans l’abbaye de Saint-Denis et contenu dans un manuscrit du IXe siècle. La plupart ont pour sources des documents des archives de Saint-Denis; quelques autres, plus anciennes, des pièces provenant de Tours.

21. Formulae codicis Laudunensis.

17 formules contenues dans un manuscrit du IXe siècle provenant de Laon. Les 5 premières ont été composées dans l’abbaye de Saint-Bavon de Gand, dans la première moitié du IXe siècle; les autres, à Laon, à la fin du même siècle.

22. Formularum epistolarum collectiones minores.

Sous cette désignation, M. Zeumer a réuni cinq collections, conservées par autant de manuscrits des IXe et Xe siècles, comprenant ensemble 33 modèles de lettres.

23. Formulae extravagantes.

M. Zeumer a groupé sous ce titre les formules qui se rencontraient isolées dans les manuscrits; 26 concernent les affaires séculières et 35 les affaires ecclésiastiques.

24. Formulae Visigothicae.

Collection de 46 formules formées à Cordoue, sous le règne de Lisebut, roi des Visigoths d’Espagne, entre 615 et 620. Elle nous est parvenue dans un manuscrit du XVIe ou du XVIIIe siècle, qui est lui-même la copie d’un manuscrit d’Ovideo du XIIe siècle, aujourd’hui perdu.

25. Liber diurnus.

Il faut faire une place à part au formulaire de la chancellerie apostolique connu sous le nom de Liber diurnus romanorum pontificum.

D’après les derniers travaux auxquels il a donné lieu, cet important recueil serait une compilation formée de divers parties :

  • la première, comprenant les formules 1-63, aurait été composée dans le second quart du VIIe siècle;
  • la seconde, comprenant les formules 64-81, serait du troisième quart du même siècle;
  • les formules 82-85 dateraient de 772 ou environ, et, les dernières (86-107), de la fin du pontificat d’Adrien Ier (772-795).
  • On connaît trois manuscrits anciens du Liber diurnus. L’un, qui de l’abbaye cistercienne de Santa Croce in Gerusalemme est passé au commencement de notre siècle dans les archives du Vatican, doit, au témoignage de MM. Delisle et Th. de Sickel, remonter au dernières années du VIIIe siècle. Un autre, qui faisait partie au XVIIIe siècle de la bibliothèque du Collège des Jésuites de Clermont à Paris, est aujourd’hui perdu, mais il est connu par l’édition qu’en a donnée le P. Garnier en 1680; M. de Sickel a pu déterminer qu’il ne devait pas être antérieur au IXe siècle. Enfin, un troisième manuscrit, provenant de Bobio, qui n’a pas encore été utilisé jusqu’ici, a été signalé à la Bibliothèque Ambrosienne par l’abbé Ant. Ceriani, qui le juge de la seconde moitié du IXe siècle. Si, pas plus que les formules de Marculf, le Liber diurnus n’a été composé en vue de devenir un manuel officiel, il n’a pas tardé du moins à être employé à la chancellerie pontificale, et son influence s’y est fait sentir jusqu’à la fin du IXe siècle, soit directement, soit par des remaniements et des intermédiaires qui sont aujourd’hui perdus.

Formulaires et manuels depuis le XIe siècle.

Les plus récentes des compilations dont nous nous sommes occupés jusqu’ici ne sont guère postérieures au IXe siècle, et les manuscrits eux-mêmes qui nous les ont conservées sont tous, comme on l’a pu voir, des IXe et Xe siècles. Ce fut au cours de ce dernier siècle, en effet, que, sauf des cas exceptionnels, l’usage de ces formulaires fut peu à peu abandonné; leur influence même ne se prolongea guère au delà des premières années du XIe, et il faut aller jusqu’à l’extrême fin de ce même siècle pour retrouver de nouveaux manuels à l’usage des rédacteurs de chartes.

Ces ouvrages sont complètement différents de ceux de l’époque antérieure. Nous avons remarqué déjà que ceux-ci consistent essentiellement en recueils de modèles proposés à l’imitation des scribes; ceux-là au contraire sont généralement des traités didactiques, des manuels de rhétorique épistolaire, comprenant, lorsque le sujet y est complètement embrassé, des préceptes de style et de grammaire, l’exposé du cursus, la théorie de la ponctuation, la division des lettres en parties, et l’énoncé des règles auxquelles chacune d’elles était assujettie. Les modèles de lettres et d’actes, parfois intercalés dans le texte, souvent aussi réunis en recueil séparés, sont généralement devenus l’accessoire et le complément de l’exposition théorique de l’art de la composition du dictamen.

Comme on l’a vu plus haut, cette transformation est en relation étroite avec le renouvellement de l’enseignement en Italie et en France. Les traités de cette espèce, dont les plus anciens connus sont, en Italie, de la fin du XIe, et, en France, de la seconde moitié du XIIe siècle, se multiplièrent au XIIIe et au XIVe. Il n’est pas encore possible dans l’état actuel de nos connaissances, de dresser un catalogue chronologique de ces oeuvres, encore moins de classer et d’indiquer leur filiation. Il s’en faut de beaucoup, en effet, qu’elles soient toutes publiées ou même suffisamment étudiées, et l’on n’en a pas encore signalé tous les manuscrits dispersés dans les bibliothèques de l’Europe.

Le plus ancien auteur de traités de ce genre qui soit connu est un moine, Albéric, qui enseignait au Mont-Cassin, vers 1075. Il a laissé un Brevarium de dictamine, court manuel destiné à compléter son enseignement oral, et un autre écrit intitulé Flores rehtorici ou Radii dictaminum. Son disciple, Hugues de Bologne, écrivit au début du XIIe siècle des Rationes dictandi prosaice. Vers le même temps, un maître anonyme, qui vivait aussi à Bologne ou peut-être à Faenza, composa un traité à peu près sous le même titre, Rationes dictandi, souvent attribué à Albéric du Mont-Cassin. On y trouve pour la première fois la division de la lettre en cinq parties, telle que l’ont conservée la plupart des dictatores postérieurs : salutatio, benivolentie captatio, narratio, petitio, conclusio. D’autres maîtres, à Rome, à Bologne, en Lombardie, composèrent en grand nombre, pendant tout le moyen âge, des traités analogues (parmi eux, signalons un « maître » d’origine française, Henricus Francigena, qui écrivit à Pavie entre 1119 et 1124, un traité intitulé Summa dictandi quae dicitur aurea gemma).

D’Italie, la doctrine se propagea dans toute l’Europe. Rockinger a recueilli quelques oeuvres des principaux dictatores de l’Allemagne : Ludolf de Hildesheim, Conrad de Mure, l’anonyme de Baumgartenberg, Bernold de Kaisersheim, etc. En France, ce fut sur les bords de la Loire, dans les célèbres écoles d’Orléans, ainsi qu’à Tours et à Meung-sur-Loire, que l’enseignement du dictamen, étroitement apparenté à celui de la grammaire et du droit, semble s’être développé de préférence. Le plus ancien traité connu est un Ars dictaminis, mêlé de prose et de vers, encore inédit, composé par Bernard de Chartes, dit Sylvestris, qui vivait vers le milieu du XIIe siècle (il en existe notamment un manuscrit de la seconde moitié du XIIe siècle provenant de Stavelot, à la Bibliothèque royale de Bruxelles n° 2079). Il en fut fait, au XIIe et au XIIIe siècle, un grand nombre d’abrégés destinés à l’enseignement, sous le titre de Summae Aurelianenses ou Turonenses. Parmi les dictatores français ou qui se rattachent à l’école française, il suffira de citer, à côté de la multitude des anonymes, les noms de Maître Guillaume, Pons le Provençal, Jean de Limoges, moines de Clairvaux, et Jean de Garlande.

Quand tous ces traités seront mieux connus, lorsqu’ils auront été publiés, classés et critiqués, ils serons sans nul doute de précieux instruments au service de la critique diplomatique.

Le goût particulier du moyen âge pour le genre épistolaire, auquel on doit ces oeuvres didactiques, a donné naissance, non seulement à ces manuels de composition, de grammaire et de style, mais aussi à des recueils de morceaux choisis, destinés à servir d’exemples et de modèles. Ces recueils épistolaires, ces epistolaria, variaient beaucoup dans leur composition. Tandis que les uns étaient de purs formulaires, dont les modèles étaient dépourvus de toute particularité, de tout caractère personnel, il y en avait d’autres qui se composaient au contraire de lettres célèbres et auxquels nous devons la conservation de bon nombre de correspondances importantes. Mais souvent aussi, et quelquefois à côté de documents authentiques, on y joignait des lettres fictives, des compositions scolaires où l’on s’exerçait, comme de nos jours encore, à faire parler plus ou moins habilement, un empereur, un pape ou d’autres personnages. Lorsque le rédacteur était habile, qu’il connaissait les usages des chancelleries ou qu’il imitait de bons modèles, il pouvait arriver à donner à ces fictions une vraisemblance suffisante pour mettre la critique en défaut.

Si beaucoup de recueils, ceux, par exemple, d’Ulrich de Bramberg, de Bérard de Naples, sont des sources de documents historiques d’une authenticité incontestable, il en est d’autres, comme l’Aurea gemma Willelmi, la collection de l’abbaye de Reinhardsbrunn, celle de l’abbaye de Tegernsee, où se mêlent les pièces vraies et les productions artificielles. C’est affaire à la critique de les distinguer, mais on conçoit combien d’erreurs l’emploi de ces inventions littéraires comme documents historiques est susceptible de causer, si l’on en méconnaît le véritable caractère. Il n’en est pas moins vrai que, comme l’écrivait M. Delisle dès 1877, « dans le vaste domaine encore peu exploré des recueils épistolaires, il reste de véritables découvertes à faire pour l’histoire et la littérature du XIIIe et du XIVe siècle »; mais, pour employer avec toute sécurité les documents de cette provenance, il est de toute nécessité qu’au préalable les collections qui les contiennent soient l’objet d’études critiques approfondies.

Les manuels et les recueils dont il vient d’être question avaient pour objet d’enseigner le dictamen dans son acception la plus large, c’est-à-dire la rhétorique épistolaire, l’art du style et de la composition appliqué à tous les écrits qui pouvaient affecter la forme épistolaire. Mais, à côté de ces oeuvres générales, on composa aussi des traités plus spéciaux, des manuels à l’usage exclusif des clercs des différentes chancelleries, des formulaires destinés à servir de guide aux praticiens.

De ce nombre sont des manuels de l’art du notariat, dont on rencontre en Italie, à Bologne, les plus anciens spécimens. Dès le XIIe siècle, l’un des plus illustres maître de Bologne, Irnerius, avait composé un Formularium tabellionum qui est perdu; mais Ranieri, de Pérouse, qui, dans les premières années du XIIIe siècle, enseignait à Bologne l’art du notariat, nous a laissé une Summa artis notariae, destinée à l’instruction des étudiants et résumant des manuels plus anciens.

Vers le même temps, un notaire de Bologne, Salathiel, composait sous le même titre un manuel du même genre; et, quelques années plus tard, un autre notaire également de Bologne, Rolandino Passagieri, écrivait, toujours sous le même titre, une nouvelle somme qui circula en France et jouit d’un grand crédit jusqu’à la fin du moyen âge. Bien que destinés aux étudiants et praticiens de l’Italie, ces formulaires participèrent naturellement à la vogue des doctrines de Bologne; ils se propagèrent avec elles, et les exemplaires en furent multipliés par l’imprimerie à ces débuts.

Ce n’est pas ici le lieu d’énumérer les nombreux formulaires à l’usage des notaires que le moyen âge nous a laissés ni d’entrer à leur sujet dans des détails, qui trouveront leur place naturelle lorsqu’il sera question des actes dressés par les notaires. Quant aux formulaires des divers chancelleries, c’est également à propos des actes émanés de ces chancelleries qu’il conviendra d’en parler.